Histoire de
Saint-Michel et de Saint-Vallier
seigneurie, paroisse et
village,
du 17ième au 20ième
siècle
Archives nationales du Canada,
c.2401. « L’installation des premiers colons »
Préambule
Arrivé
depuis peu à Saint-Michel-de-Bellechasse l’auteur, par cet article, cherche à
situer l’histoire de Saint-Vallier et de Saint-Michel dans le contexte plus
large de l’Histoire du Canada. Il se promène dans l’espace et dans le temps et
essaie de se faire une idée de la trace qui a mené les gens d’ici jusqu’ici à
partir des écrits de ceux et celles qui avant lui on étudié l’ancêtre dans son
milieu de vie. Grâce à eux il a réussi à identifier clairement certaines balises
qui rendent ses randonnées beaucoup plus signifiantes et réconfortantes pour l’esprit
vagabond qu’est le sien, en quête perpétuelle d’identité structurante.
La seigneurie La Durantaye, censitaires et seigneur
Maintenant
Québécois établis comme citoyens municipaux dans la MRC de Bellechasse, les
résidents du territoire de Saint-Vallier et de Saint-Michel entrent dans
l’histoire du Canada comme colons-agriculteurs à la française dans la
seigneurie d’Olivier Morel de La Durantaye en 1672. Pendant 47 ans, de
1672 à 1720, ils partagent le même destin : une seule seigneurie
qui recouvre au moment de sa concession le territoire des deux municipalités
actuelles ainsi que la municipalité de La Durantaye et celle de Saint-Raphaël
en grande partie. Pendant 35 ans, de
1678 à 1714, ils partagent également une même paroisse qui au fil des
années s’appellera « paroisse des
seigneuries de la côte sud » de 1678 à 1693, Saint-Laurent de 1693 à 1698
et Saint-Michel-de-La Durantaye de 1698 à 1714. En 1714 elle garde son ancien
nom jusqu’en 1720 où là, après l’amputation d’une partie du territoire de la
seigneurie La Durantaye au profit de Saint-Vallier, elle se fera appeler
Saint-Michel en même temps que la seigneurie qui abandonne alors son nom
d’origine. Seigneurie et paroisse se feront désormais appelées Saint-Michel.
1672
est une
année importante pour l’occupation du territoire. Près de 50 seigneuries sont
concédées par Jean-Talon dont celles de Vincennes, Beaumont, La Durantaye et Berthier-Bellechasse.
Noble de Bretagne et officier de l’armée française, Olivier Morel de La Durantaye arrive en Nouvelle-France après avoir participé à une mission militaire aux Antilles pour en chasser les Hollandais. Il débarque en 1665 à Québec avec les quatre compagnies d’infanteries d’Alexandre Tracy qui appartiennent à quatre régiments différents. Olivier Morel commande une compagnie d’infanterie appartenant au régiment de Chambellé. Alexandre Berthier commande quant à lui une compagnie du régiment l’Allier. Avec les deux autres capitaines, François Tapie de Monteil du régiment de Poitou et Vincent de La Brisardière du régiment d’Orléans, ils se joignent avec leur compagnie respective aux vingt compagnies du régiment Carigan-Salières dont celle commandée par le capitaine Thomas Tarieu de Lanaudière et font plusieurs incursions en territoire Iroquois pour imposer la paix au sud du Lac Champlain sous les ordres de Tracy. Olivier Morel sera par la suite commandant du fort Michillimakinak dans la région des Grands Lacs au confluent des lacs Michigan, Supérieur et Huron. Il sera aussi homme d'affaires, fera le commerce de la fourrure, du poisson et du bois de mâture, sera membre du Conseil souverain et bien sûr seigneur de La Durantaye. C'est Jean Talon, intendant du roi français Louis XIV, qui lui concède la seigneurie. Elle mesure alors un peu plus de trois lieues (15 kilomètres), parallèle au fleuve entre Berthier et Beaumont, par la même profondeur. L’acte de concession de 1672 mentionne « la quantité de deux lieues de terre de front sur autant de profondeur, à prendre sur le fleuve St. Laurent, tenant d’un costé a demi arpent au-delà du sault qui est sur la terre du sieur des Islets, et de l’autre l’anse de Bellechasse, icelle non comprise, et plus s’il s’en rencontre dans l’estendue des dites bornes… ». Le « et plus s’il s’en rencontre» entre les bornes naturelles désignées correspond de fait à un peu plus d’une lieue qui s’ajoute aux deux autres pour correspondre au libellé « environ trois lieues » de l’acte d’augmentation de 1693. (Voir Annexe). Quant au libellé « sur autant de profondeur » il nous indique qu’il faut donner à la seigneurie la même profondeur que la largeur soit 3 lieues et non 2 lieues comme certains auteurs le prétendent. L’acte de concession ne dit pas 2 lieues sur autant de profondeur mais 2 lieues et plus s’il s’en trouve entre les bornes sur autant de profondeur.
Plaine
agricole de Saint-Vallier
Du coureur de bois nomade au colon agriculteur
sédentaire
Il
est important ici de distinguer l’agriculteur du coureur de bois. Avant de
s’établir en Nouvelle France et de s’installer sur une terre pour élever une
famille, en Bellechasse ou ailleurs, nos ancêtres français âgés dans la
vingtaine sont épris de liberté. Pouvant gagner leur vie à courir les bois, ils ont rapidement fréquenté l’Indien
et aimé l’Indienne appréciant de l’un et de l’autre une façon nouvelle de vivre
les choses. Privés de tout en France par le seul fait d’être né de parents paysans
ou de citadins ordinaires, ils sont en Europe maintenus sans espoir d’en sortir
dans la misère et la pauvreté depuis des siècles et des générations par les gens de l’Église et de l’État d’avant
la Révolution qui s’accaparent toutes les richesses du pays même s’ils ne représentent
qu’un maigre 2% de la population. Déterminés à vivre mieux, nos ancêtres
Français trouvent ici l’abondance et l’immense satisfaction d’y avoir accès en
toute liberté par la seule force de leur travail, encouragés en cela aussi bien
par l’État et le Privé qui veulent avant toute chose structurer le très lucratif
commerce de la fourrure que par l’Église qui veut convertir.
Depuis
Champlain, Hébert et Couillard, l’agriculture
prend donc une bonne centaine d’années à s’organiser. Avant d’exploiter une
terre nos ancêtres ont d’abord vu du pays. Avant de se fixer ils ont
voyagé : pour se rendre jusqu’ici bien sûr en traversant l’Océan mais
aussi pour explorer le pays et en vivre grâce au commerce. Ils sont fascinés
par les grands espaces boisés parsemés de lacs et de rivières et par une nature
restée sauvage à perte de vue. Jeunes
et célibataires, arrivés de France avec peu de moyens mais beaucoup d’énergie,
ils voient dans ce commerce des fourrures une excellente occasion d’amasser de
l’argent avant de s’établir.
Quand
Jacques Cartier débarque en Canada (Percé) en 1534, l’État français n’a pas les
moyens de financer la colonisation. Il
confie donc cette tâche aux Compagnies marchandes qui, en échange d’un monopole
sur le commerce, doivent à même leur profit installer des colons à l’intérieur
de seigneuries qu’elles se doivent également de concéder. À quelques exceptions
près, ce sera un échec faute d’encadrement et de volonté réelle de peupler le
territoire. Les Compagnies concèdent une trentaine de seigneuries mais ils ne
font rien pour inciter les seigneurs à en favoriser l’exploitation. Ce qui les
intéresse ce sont les relations commerciales avec les autochtones, la mise en
place de leur réseau d’échange par l’intégration de celui-ci à celui déjà bien
structuré de l’Indien et l’installation de garnisons à l’intérieur de forts
pour contrôler les voies de circulation des fourrures qui à elles seules
pendant les deux cents ans du régime français permettent d’amasser des fortunes. Le Canada n’a pas
d’or à piller comme l’Amérique du Sud et ses Incas mais grâce à l’Indien
du nord il a le castor et autres fourrures. Jusqu’à 20,000 peaux de castor
par année sont expédiées en Europe au plus fort du commerce.
Ce
n’est qu’en 1663 que l’État français réagit à la nécessité de peupler le
territoire. Il retire alors la responsabilité de la colonisation seigneuriale
aux Compagnies marchandes en créant, pour s’en occuper, une structure
administrative royale : Gouverneur, Intendant et Conseil souverain composé
des élites religieuses, militaires et marchandes. Il oblige ceux qui se sont vu
concéder des seigneuries à la construction d’un manoir pour qu’eux-mêmes ou
leur représentant puissent les habiter. Obligation leur est également faite, sous
peine de perdre leur seigneurie, de peupler le territoire en recrutant et concédant
gratuitement des terres aux colons qui le veulent et de mettre à leur disposition
un moulin pour moudre les grains. En contrepartie, par l’intermédiaire des
seigneurs, l’État oblige les colons à défricher, habiter et cultiver leur terre
s’ils veulent en conserver l’usage. On
veut éviter que les terres servent uniquement de territoire de chasse et de pêche
comme ça se produit souvent sous le système des Compagnies plus intéressées à
mousser le commerce de la fourrure que l’agriculture et l’élevage. Un colon
coûte plus cher à la Compagnie et rapporte moins qu’un coureur de bois.
Le commerce de la fourrure se poursuit donc hors seigneurie en territoire indien, du Golf Saint-Laurent au Golf du Mexique en passant par les Grands Lacs et la Louisiane ce qui commande des alliances et des relations particulièrement amicales avec les Autochtones pour la bonne marche de l’économie marchande des pelleteries durant tout le Régime français. Traitant d’abord avec les Hurons-Wendats qui, habiles commerçants,servent d’intermédiaire entre Français et Algonquiens jusqu’à la destruction de la Huronie par les Iroquois en 1649 qui forcera les survivants à s’installer à l’île d’Orléans et à Loretteville, la France réussit ensuite à créer directement des alliances avec la majorité des tribus amérindiennes ce qui lui permet, avec très peu de gens originaires de la mère patrie, de constituer un véritable empire malgré la vive opposition des Anglo-Américains de dix fois supérieurs en nombre mais confinés au 17ième siècle entre les Appalaches et la Côte Atlantique autour des seules villes de Boston, Albany, New York et Jameston. Sans la collaboration et le bon vouloir des Indiens amis, nos ancêtres n’auraient jamais pu s’implanter en Canada. Beaucoup de forces vives étant nécessaires pour constituer un tel empire, les Français et Canadiens, en nombre nettement insuffisant, vont s’allier l’Indien. La paix pour développer le pays devient dès lors une stratégie rentable. Au lieu de miser sur la force brute, la confrontation, les déportations de populations ou les mises en réserve, les Français privilégient la négociation d’alliances et la cohabitation en partageant le territoire avec la société d’accueil. Impitoyables à l’égard des Anglais leurs ennemis héréditaires, ils seront pacifiques et pacifiant avec les Amérindiens. La diplomatie et le respect seront toujours au rendez-vous et l’attitude colonialiste, arrogante et méprisante du conquérant qu’on remarquait chez Jacques Cartier sera complètement absente chez Champlain.
« La
descente des rapides », par Frances Anne Hopkins (ANC)
C’est
le commerce basé sur ces alliances à l’échelle du continent qui est responsable
du métissage, culturel mais aussi sanguin, entre les deux mondes :
Européen et Amérindien. C’est lui qui contribue à faire du Français né ici un
Canadien. Partout autour des Grands lacs et tout au long du Mississipi jusqu’en
Louisiane entre les Appalaches et les Rocheuses, dans ce qu’on appellera plus
tard les grandes plaines de l’Ouest Canadien et du Far West Américain, on
trouve des coureurs de bois francophones. Une soixantaine de forts et de
missions sont établis sur l’ensemble des terres explorées par les Canadiens. Certains
de ces forts sont de simples relais mais d’autres sont de véritables
forteresses à l’intérieur desquelles sont construits de petits hameaux avec chapelle et plusieurs
maisons pour le commandant et les administrateurs, pour les missionnaires,
pour les officiers, pour les soldats, les marchands, les travailleurs de la
fourrure, le chirurgien, le charpentier, le forgeron, l’armurier etc. D’autres bâtiments
sont également réservés à l’entreposage des marchandises de traite et des
fourrures. À Détroit, fondé par l’administrateur français Cadillac, on cultive
même la terre à l’extérieur du fort. En plus des forts d’autres peuplements en
seigneurie seront également organisés dont celui de la Nouvelle Orléans sur les
rives du Mississipi et celui du lac Champlain. Le territoire actuel d’une
trentaine d’états américains est alors soumis à l’influence française. Quand
les Anglais s’emparent graduellement de la Nouvelle France ou du Canada entre
1713 et 1763 l’Amérique du Nord est française c’est-à-dire canadienne pour les
trois quarts.
Français
+ Amérindien = Canadien
Au
début du 18ième siècle et même fin 17ième, en 1685, les habitants
nés en Amérique sont plus nombreux que les immigrants européens. Au fil des ans et de leur nouvelle façon de
vivre ils s’identifient davantage au Canada qu’à la France. Ce sont les
premiers Canadiens « pure laine », les premiers « de-souche »,
les premiers « né-natif », les premiers métissés culturels (Européens-Indiens),
les premiers Français nés ici qui, au contacte de l’Indien, forment en
s’enracinant un nouveau peuple de langue française concentré aujourd’hui à l’intérieur
des frontières du Québec moderne mais aussi dispersé dans la francophonie à la
grandeur de l’Amérique du Nord, plus ou moins assimilé maintenant à la culture
anglo-saxonne tant canadienne qu’étatsunienne.
Même
dans les seigneuries, le Français d’origine emprunte à l’Indien un savoir
indispensable à sa survie en terre d’Amérique: fourrure, cuir, canot, mocassin,
raquette, traîne sauvage, récolte de l’eau d’érable, remède contre les maladies
d’ici, culture du maïs, fascine pour la pêche, tressage des ceintures fléchées
et de la babiche, séchage du poisson, boucanage de la viande, caveau à légume, techniques
de chasse et de trappe etc. Le climat, plus rude qu’en France, exige a lui seul
pour s’y adapter, un changement dans la façon de vivre du Français. Il doit pour
espérer survivre adopter les manières amérindiennes tant pour l’agriculteur qui
souvent a fréquenté l’Indien avant d’être cultivateur que pour le coureur de
bois qui lui s’intègre encore plus à la culture d’accueil que le colon puisqu’il
vit chez l’Indien, apprend la langue, épouse l’Indienne et avec elle fait des
enfants encouragé en cela par les communautés autochtones qui voient d’un bon
œil cette intégration des Français à leur culture. Les enfants, métissés ou
non, étant pris en charge par la communauté, la femme amérindienne dispose librement
de son corps et peut se donner à qui elle veut en toute liberté. Elle peut même
sans problème avoir plusieurs hommes car si l’enfant est toujours souhaité et
désiré, le couple n’est pas la base de leur société, pas plus que la possession
exclusive ne fait partie de leurs valeurs. Le partage des richesses, biens et
personnes a pour eux bien meilleur goût. Pour un millier de jeunes Français coureur
de bois on n’hésite pas à parler d’assimilation à la culture d’accueil. Avec
les années ils deviennent Indiens. Ceux-là ne reviendront jamais à la
civilisation qui les a vus naître et seront appelés Indiens blancs. Même pour
les autres, ceux qui voyagent entre les Pays d’en Haut et la Vallée du
Saint-Laurent qu’on évalue entre 10 et 12 milles tout au long du régime
français, ceux qui s’adapteront sans s’assimiler et qui un jour abandonneront
le bois pour venir vivre définitivement en seigneurie, les alliances sexuelles
deviennent une condition presque nécessaire aux échanges commerciaux.
Contrairement aux Anglais qui beaucoup plus nombreux et sédentaires abattent une quantité considérable d’arbres sur leur territoire pour s’installer en village et bousculer les Abénaquis les Malécites et les Micmacs qui s’y trouvent en Acadie et sur la côte Atlantique, les coureurs de bois canadiens moins nombreux et nomades n’effraient pas l’Indien à l’ouest des Appalaches. Hors des villes et seigneuries ils n’ont nul besoin pour la bonne marche du commerce de s’emparer ou de posséder le territoire amérindien. Il leurs suffit de le partager. Même en seigneurie, à la campagne, les villages sont interdits aux fils et filles de cultivateurs ou aux citadins qui voudraient y venir. Contrairement aux religieux qui nient la spiritualité amérindienne en voulant leur imposer le catholicisme, les coureurs de bois canadiens ne sont pas menaçants. Ils sont simplement perçus par eux comme des membres d’une autre tribu à laquelle on peut s’associer et faire commerce. Même si le commerce est inégale puisque l’Indien n’amasse pas de capital, ne connaît pas le profit et ne fait pas fortune, les coureurs de bois apportent à l’Indien des biens de nature à augmenter sensiblement sa qualité de vie : le fer pour les chaudrons, la hache, le couteau et le clou, le fusil pour la chasse et la guerre, le textile pour les couvertures et les vêtements, les parures et l’eau de vie pour la beauté, la détente et la fête. Si on ne regarde que la valeur d’usage des marchandises échangées, le commerce est équitable. L’Indien apprend rapidement la valeur de ses fourrures et il demande davantage en échange au fil des ans.
Guillaume
Couture, interprète chez les Indiens. Dessein tiré de Guillaume Couture
premier colon de Pointe-Lévy (Lauzon) de Joseph-Edmond Roy, Lévis, Mercier
et Cie, 1884, p.6a.
Pour
le paysan immigrant, surtaxé et exploité par l’élite dirigeante de son pays
d’origine en France, la liberté d’action et de penser dont il jouit en Amérique
et qui lui donne accès aux richesses du pays, constitue une force d’attraction
majeure qui l’incite à s’installer en Canada, même comme cultivateur. Une fois
installé l’habitant canadien a une qualité de vie supérieure au paysan
français. Le système seigneurial bien que féodal est beaucoup moins
contraignant ici qu’en France. Tant qu’elle sert l’agriculture et l’élevage, la
seigneurie canadienne n’est rien d’autre qu’une structure d’entraide. Même pour
le citadin d’origine, l’acquisition d’une terre productive a beaucoup
d’attraits puisqu’elle permet l’autosubsistance à court terme en même temps que
la possibilité de se constituer un patrimoine à long terme. Les ressources sont
abondantes et encore une fois l’habitant y a accès. Le droit de chasse et pêche
par exemple n’est plus réservé aux seigneurs comme en France et l’ensemble des
cens et redevances de toutes sortes que l’agriculteur doit verser au seigneur correspond
à seulement 10% de son revenu. Libre de gérer la terre à sa manière avec une
perspective d’avenir pour lui, sa femme et ses enfants, le Canadien, par le
seul fait de se sentir utile et en contrôle développe le sentiment de fierté nécessaire
pour bâtir un nouveau pays en terre d’Amérique. La liberté, le travail
rémunérateur, la réussite, l’entraide, le divertissement, et la coexistence
pacifique sont ici possibles.
L’arrivée
du Régiment de Carignan en 1665 qui a comme tâche d’empêcher les Iroquois des
Cinq Nations de s’attaquer aux colons et l’arrivée de femmes à marier entre
1663 et 1673, les filles du roi au nombre d’environ 800 dont plusieurs sont pourvues
d’une dote royale, favorisent beaucoup l’occupation du territoire par l’agriculteur.
Après avoir instauré la paix dans la vallée du Saint-Laurent, près de 450
soldats sur les 1200 des régiments de Carigan, Chambellé, l’Allier, Poitou et
Orléans, resteront au pays s’ajoutant aux coureurs de bois, paysans, ouvriers
et gens de métiers venus d’Europe ou nés ici. Ils peuvent se marier, défricher
un premier lot et se bâtir sur des terres qu’ils reçoivent gratuitement des
seigneurs moyennant qu’ils les mettent en valeur pour y installer une famille. Quant
aux officiers comme Olivier Morel, Alexandre Berthier et Thomas Tarieu de La
Naudière ils se voient offrir des seigneuries à gérer avec également une obligation
de résultats. Plusieurs de ces officiers devenus seigneurs verront leurs
anciens soldats devenir censitaires. De plus, une politique familiale est
développée par l’Intendant Talon pour favoriser les naissances et l’Église, par
son enseignement moral, va dans le même sens. Faute d’une émigration française
suffisante nos ancêtres s’acquittent eux-mêmes de la tâche du peuplement en
faisant beaucoup de bébés tant pour la Patrie que pour le Ciel au péril, faut
bien le dire de la vie et de la santé de plusieurs mères. (Pour chaque famille
on évalue la moyenne à 7 enfants qui se
rendent jusqu’à l’âge adulte) Plusieurs de ces enfants du pays nés de familles
nombreuses issues d’agriculteurs qui oeuvrent en seigneurie suivent la
tradition et vont dans les bois dès l’âge de 16, 17 et 18 ans pour faire un peu
d’argent avant de cultiver la terre à leur tour. Au 19ième siècle,
quand le commerce du bois remplace celui de la fourrure, c’est au chantier que
les jeunes vont travailler pour améliorer leur niveau de vie. De retour dans le
bois ils sont bûcherons ou draveurs. Au 20ième siècle ce sera dans
les usines et les manufactures qu’ils iront là où il y aura du travail, en
Nouvelle Angleterre ou ailleurs.
Au
fil des ans, accentuant davantage la mixité des cultures, plusieurs prisonniers
de guerre amérindiens, hommes mais surtout femmes, servant de monnaie d’échange
entre tribus, sont amenés des Pays d’en Haut en ville comme esclaves par les
commerçants qui les ont reçus en guise de paiement. La Vérendrye en ramènera
plusieurs. Ces esclaves donneront naissance à de nombreux enfants, souvent hors
mariage. À l’abolition de l’esclavage en Nouvelle-France en 1833 on évalue à
4,100 le nombre de ces esclaves dont 2,700 amérindiens venus de tribus encore ennemies
comme celles des Renards et des Maskoutens près du lac Michigan, celles des
Sioux habitants les Plaines de l’Ouest et celles des Pawnees de la vallée du
Missouri. Les 1400 noirs viendront
d’Afrique et des Antilles. Ces esclaves agissent comme domestiques au service
des Canadiens mieux nantis de Québec, Montréal et Trois-Rivières:
Gouverneur, Intendant, seigneurs, marchands, religieux. Selon le code noir,
l’esclave est la propriété du Maître et il lui est interdit de le quitter sous
peine de représailles. On sait que l’Intendant Bigot par exemple, complice de
Michel-Jean-Hugues-Péan-de-Livaudière, troisième seigneur de Saint-Michel, possède plusieurs esclaves. Madeleine de
Verchères, dont les petits fils vivront à Saint-Vallier, a une esclave Renarde
et Maurice Duplessis, ancien premier ministre du Québec au moment de la
« grande noirceur » qui a précédé la Révolution tranquille des années
1960-70, descend lui-même d’un esclave Maskouten au service d’un marchand portant
le nom de Gatineau dit Duplessis.
Dans
l’esprit des dirigeants français les seigneuries sont là pour encourager la
sédentarisation et la domestication du territoire par l’agriculture, l’élevage
et la commercialisation des surplus générés par ces deux activités. Encore là, horticulteur
et sédentaire vivant dans des maisons longues à l’intérieur de village pouvant
contenir plusieurs milliers de personnes, l’Indien iroquoien trace le chemin
car partout dans la Vallée du Saint-Laurent, du Cap tourmente aux rapides de
Lachine, les Iroquoiens cultivent par la seule force de leurs bras et cela depuis
500 ans le maïs, le haricot, la courge et le tabac. Avant même l’arrivée des
Européens la Huronie située autour du lac Huron sert de grenier à tout un
continent et les Algonquiens (Algonquins, Montagnais, Cris, Attikamek, Abénaquis
etc.) restés chasseurs-cueilleurs y échangent leur viande séchée pour des
légumes.
Grâce
à sa technologie venue d’Europe l’agriculteur canadien intensifie la production
utilisant la force animale d’abord puis la force motrice du vent, de l’eau, du
feu pour la vapeur, de l’électricité, du pétrole et de l’éthanol. L’homme est
de moins en moins soumis à une nature rendue de moins en moins sauvage. Cette nature, il essaie de la contrôler en la domestiquant au maximum de ses
capacités. Si l’Indien des plaines de l’ouest dompte assez rapidement le cheval
pour pouvoir s’y déplacer et chasser,
l’Indien de la vallée du Saint-Laurent, si on fait exception du chien-loup, ne
connaît pas l’animal domestique.
Le
fait de clôturer l’espace heurte évidemment de plein fouet la notion de libre
circulation des biens et des personnes que les Amérindiens valorisent. Mais la colonisation canadienne se fait sans
trop de mal au Québec du fait que les Iroquoiens du Saint-Laurent, qui vivent
dans la vallée du grand fleuve au moment où Jacques Cartier les rencontre en
Gaspésie d’abord puis dans leur village de Stadaconé (Québec) en 1534 et d’Hochelaga
(Montréal) en 1541 accompagné de Roberval, ont complètement disparus quand
Champlain arrive au pays 60 ans plus tard. Les maladies européennes, comme la
petite vérole, qui à elles seules ont tué 80% des autochtones de l’Amérique du
Nord en sont peut-être la cause. On pense également aux guerres intertribales. Les
survivants se seraient dispersés et intégrés aux autres tribus iroquoiennes ou
algonquiennes par la suite. Toujours est-il que c’est à Kebec, mot
Algonkien et non à Stadakone, mot iroquoien que Champlain érigera son
« habitation ». Si le site
est le même, l’appellation diffère en regard de l’occupant.
En
1672, les premiers colons de Bellechasse, à Lauzon, Beaumont, Saint-Michel et
Berthier, vont donc profiter d’un territoire laissé mystérieusement vacant par
ses anciens occupants. Seules certaines tribus nomades comme les Abénaquis, les
Micmacs de la Gaspésie et de l’Acadie, les Malécites (Etchemins) du Maine, circuleront en Bellechasse
voyageant entre le fleuve et la rivière Saint-jean par la rivière du Sud, la
Rivière Etchemin et la Rivière Chaudière. La place est donc libre et notre
ancêtre français sans avoir à bousculer personne l’occupe vaillamment en toute
quiétude pour graduellement devenir en le développant un Canadien pure laine, ni
français, ni amérindien mais un peu des deux. Dès le départ la ceinture fléchée
du colon enraciné est tissée à l’indienne de laines européennes aux couleurs
variées contribuant ainsi à la rendre unique, singulière et en constante évolution
sous l’influence de l’autre, c’est-à-dire québécoise. Tributaire au départ de
l’Indien et du Français, le Canadien d’origine devenu Québécois par
proclamation royale de Londres en 1763 réussit
depuis à se maintenir et se développer en intégrant progressivement d’autres
cultures sur son territoire malgré la menace toujours présente d’une culture
anglo-saxonne dominante en Amérique du Nord et qui tend à vouloir niveler les
différences culturelles partout dans le monde.
La
Conquête anglaise du Canada verra la Compagnie de la Baie d’Hudson engager des
coureurs de bois canadiens français expérimentés, les « mangeux de lards »,
pour développer le territoire actuel de l’Ouest Canadien ce qui donnera
naissance au peuple métis dirigé par Louis Riel. Avec l’aide de Canadiens vivants
sur place, l’indépendance américaine verra quant à elle les Étatsuniens conquérir
tout l’espace compris entre les Appalaches et les Rocheuses, désignés
territoire indien par Londres après la Conquête abandonnant à leur sort les Canadiens
qui s’y trouvent. Décidés à s’imposer, les Anglais déporteront les Acadiens,
pendront 12 patriotes, exileront les autres, pendront Louis Riel et viseront
constamment l’assimilation des francophones à leur culture anglo-saxonne jugée
supérieure par Lord Durham à la culture canadienne qualifiée d’inférieure parce
que trop différente de la sienne, trop populaire, trop besogneuse, trop
seigneuriale, trop française, trop catholique et trop amérindienne. Quant à
l’Indien, pour éviter son extinction totale, on créera des réserves pour le contenir
et mieux le contrôler.
Sous
le régime français, les Jésuites, les Récollets et les Sulpiciens, auront aussi
ce réflexe d’isoler les Indiens. Voyant que ceux-ci résistent à l’assimilation
ils voudront protéger les Français d’origine contre toute contamination morale
jugeant les façons de faire indiennes scandaleuses surtout en regard de l’amour
libre qu’il pratique et de la spiritualité qui les guide. À partir de 1672, jusqu’à la grande paix de
Montréal de 1701 plusieurs amérindiens amis sont chassés de leur territoire par
leurs frères ennemis, les Iroquois alliés des Anglais. Une partie de ces
Iroquois prenant partis pour la cause française, viendront également s’y
réfugier. Ils viennent donc s’installer en territoire ami sur les rives du
fleuve et c’est alors que les religieux les rassemblent en seigneurie à l’intérieur de Missions autour de
Québec, Trois Rivières et Montréal pour mieux les convertir (Sillery, Lauzon, Rivière
Saint-François, La Prairie, Lac des
Deux Montagnes, etc.). En Bellechasse, Bermen de Lamartinière qui gère la
seigneurie de Lauzon cèdera aux Jésuites une partie de la seigneurie à l’ouest
pour faire place aux indiens, réfugiés temporairement par millier aux chutes de
la Chaudière. En compensation il se
fera donné une seigneurie à l’est de celle qu’il gère, en 1692. Contribuant également au mélange des cultures
en partageant un même espace, ces autochtones appelés « domiciliés » par ce que rapatriés dans la Vallée du
Saint-Laurent où la présence française est plus grande, combattent aux côtés de
nos ancêtres contre l’Iroquois et l’Anglais. Certaines amérindiennes converties
sont baptisées et naturalisées françaises par le fait même. En épousant des Français d’origine elles
donnent naissance à des Canadiens métissés dont les petits-enfants après la Conquête
deviennent Québécois. Viennent ensuite s’intégrer à la culture québécoise des Britanniques,
des Étatsuniens loyalistes, des Allemands, des Écossais, des Irlandais en grand
nombre, des Italiens, des Grecs, Vietnamiens, Chinois, Marocains etc.
Érection canonique d’une paroisse commune.
Catholiques et francophones pour la très grande majorité, avec toujours un peu d’indien dans le cœur et parfois même dans le corps, les cultivateurs qui habitent la seigneurie La Durantaye deviennent paroissiens d’une paroisse sans titulaire (sans saint patron et donc sans nom) qu’on pourrait appeler « paroisse des seigneuries de la côte sud », érigée canoniquement par Monseigneur de Laval en 1678, année où le territoire de la Vallée du Saint-Laurent est divisé en paroisses. Si l’État divise le territoire en seigneuries, l’Église le divise en paroisses. Le territoire d’une paroisse n’est pas nécessairement le même que celui d’une seigneurie. Une seigneurie peut contenir plusieurs paroisses et à l’inverse une paroisse peut chevaucher plusieurs seigneuries et cantons au besoin.
Hommage
à Étienne Corriveau au cimetière de Saint-Vallier
La
paroisse d’origine de Saint-Michel quant à elle, regroupe donc toutes les seigneuries concédées sur la Côte-du-Sud
entre Rivière du Chesne et Rivière-du-Loup. Si les gens de Beaumont fêtent à
tous les 25 ans l’anniversaire de la concession de leur seigneurie en 1672, les
gens de Saint-Michel soulignent pour leur part l’anniversaire de cette grande
paroisse commune. Les services religieux sont alors dispensés par les
missionnaires Récollets puisqu’il n’y a pas de presbytère et pas d’église et pas
de curé résident. Avant 1678 le territoire n’était pas circonscrit et les
services religieux étaient donnés de façon aléatoire là où il y avait du monde.
Après 1678, le territoire est circonscrit. Il devient paroissial et il est
parcouru à date fixe par les mêmes missionnaires. La pratique régulière du
culte devient possible. La cure est fixe ne serait-ce qu’une fois par mois. Une
seule chapelle existe qui servira de chapelle mère, celle de
Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy bâtie par Guillaume Couture en 1677 à la demande
de l’abbé Morel. Pourquoi une si grande paroisse? C’est qu’il n’y a pas suffisamment
de monde à l’intérieur de chaque seigneurie pour financer et entretenir ces
institutions par la dîme, la quête et la corvée. C’est dans cette grande
paroisse commune en 1678 qu’arrive Étienne, le père de tous les Corriveau
d’Amérique.
Récupération du manoir
Manoir
de Beaumont
En
1690, au retour du fort Michillimakinac qu’il commande dans la région
des Grands Lacs pour sécuriser le territoire en vue de la traite des fourrures
aux Pays d’en Haut en amont de Montréal, Olivier-Morel-de-La Durantaye fait
savoir au métayer qu’il engageait pour s’occuper de sa ferme domaniale qu’il a
l’intention de venir habiter son manoir. Ce manoir était situé à l’ouest de
l’embouchure de la Rivière Boyer dans la paroisse et municipalité actuelle de
Saint-Michel. Aujourd’hui disparue, cette maison en pierre mesurait 35 pieds de
long par 23 pieds de large. Elle devait ressembler beaucoup au manoir actuel de
Beaumont restauré par M. Rosaire Saint-Pierre. Une maison présente aujourd’hui à
l’ouest du pont qui traverse la rivière Boyer, sur ce site borné au fleuve par
ce qu’on appelle aujourd’hui l’Anse Mercier, pourrait également avoir été ce
manoir avant qu’elle ne soit modifiée dans le style néo-classique de la maison
dite canadienne ou québécoise. Dans le « procès verbal sur la commodité ou
l’incommodité dans les paroisses de la Nouvelle-France » publié par le
procureur du Roi Mathieu-Benoît Collet en 1721, on fait mention d’une ferme
appartenant aux mères hospitalières à cet endroit. Après avoir acheté la
seigneurie en 1720 elles auraient
aussi, à l’instar d’Olivier Morel, engagé des fermiers pour s’occuper de la
ferme domaniale. C'est là que les censitaires de la seigneurie de Saint-Vallier
auraient continué d’aller pour payer les cens et rentes comme ils le faisaient
avant le changement de propriétaire. Certains auteurs cherchent des traces d’un
manoir à l’est de la rivière mais nous croyons qu’ils font fausse route. Même
le moulin banal d’Olivier Morel était à l’ouest de la rivière. Connu maintenant
comme étant l’Anse Mercier, l’endroit se faisait appeler Pointe à Boyer. À
chaque fois que les documents anciens font référence à une activité quelconque
au domaine seigneurial ils situent cette activité dans la partie du domaine
située à l’ouest de la rivière.
Une paroisse autonome appelée Saint-Laurent
Si la seigneurie de Beaumont se détache de la grande paroisse commune et devient paroisse autonome en 1692 en adoptant Saint-Étienne comme titulaire, la seigneurie de La Durantaye le devient l’année suivante en 1693. Étienne Corriveau et avec lui tous les habitants baptisés établis dans la seigneurie La Durantaye deviennent pendant 5 ans, paroissiens d’une paroisse autonome qui sera appelée Saint-Laurent avec l’ouverture et le dépôt des premiers registres (consignation des actes de baptême, de mariage et de sépulture dans un grand livre) à Beaumont, par le missionnaire Récollet Guillaume Beaudoin. Pourquoi le toponyme Saint-Laurent? On pense évidemment au fleuve du même nom mais Marie-Antoine Roy croit plutôt que ce serait en hommage au Père Laurent, Grand Missionnaire en Canada, qui supervisait de Québec le travail des prêtres missionnaires Récollets dans la région.
Embouchure de la Rivière des Mères nommé Ruisseau Belle Chasse par
Nicolas Marsolet en 1636
Le
territoire de cette nouvelle paroisse recouvre entièrement celui de la
seigneurie de La Durantaye entre la chute du Moulin Beaumont (chute Maillou) et
l’Anse de Berthier-Bellechasse (embouchure de la Rivière des Mères autrefois
baptisée ruisseau Belle Chasse par le truchement et ami des Montagnais Nicolas
Marsolet, ancêtre de la chanteuse Madona et du comédien Roy Dupuis, qui sera
seigneur de Bellechasse de 1637 à 1672 remplacé par le seigneur Berthier qui
agrandira la seigneurie nommée alors Berthier-Bellechasse et connue maintenant sous
le nom de Berthier-sur-mer).
Premier agrandissement de la seigneurie La Durantaye et
de la paroisse Saint-Laurent
Les paroissiens de Saint-Laurent et les cultivateurs-censitaires de La Durantaye occupent de plus en plus de territoire. Selon les règles du système seigneurial ils se sont vus concéder par le seigneur Olivier Morel, depuis 1672, une censive de 3 ou 4 arpents de large par 30 ou 40 arpents de profondeur moyennant qu’ils habitent, défrichent et cultivent la terre et qu’une fois l’an ils se rendent au manoir payé au seigneur de La Durantaye le cens et la rente. On paye souvent en biens (chapon, blé, etc.) car l’argent circule très peu faute de disponibilité des devises. Le troc à l’indienne est de mise. Plusieurs curés au 18 et 19ième siècles auront leur grange, parfois à même le presbytère comme à Saint-Anselme, pour engranger la dîme au grenier c'est-à-dire la farine de blé et autres produits issus de la ferme.
Rivière
Le Bras qui servira de frontière à l’ouest en 1713 entre les seigneuries de
Beaumont et de Saint-Michel
En prévision de leur expansion les censitaires voient leur seigneurie et paroisse s’agrandir en profondeur vers le sud, leur seigneur Olivier Morel ajoutant deux lieues aux trois lieues qu’elles avaient déjà sur une largeur de trois lieues le long du fleuve entre Beaumont et Berthier. Au total, le territoire de leur seigneurie et paroisse se retrouvent avec une profondeur de 24 kilomètres sur une largeur de 15 kilomètres le long du fleuve, correspondant au territoire actuel des municipalités de Saint-Michel, La Durantaye, Saint-Vallier, et Saint-Raphaël jusqu’à Armagh.
Ruisseau-de-la-Chute
à Saint-Raphaël
Un secteur de la rivière Boyer au sud de Beaumont appartenant aux terres de la Couronne est également annexé à la seigneurie La Durantaye : une lieue par une lieue de part et d’autre de la rivière soit 4,8 kilomètres par 4,8 kilomètres. Le seigneur Olivier Morel s’intéresse particulièrement à une pinède située le long de la Boyer au sud de Beaumont. De plus, la rivière Boyer traverse déjà la moitié de sa seigneurie en remontant d’est en ouest depuis son embouchure. Il est donc avantageux pour lui, sa famille et ses censitaires éventuels d’en posséder le droit d’accès plus en amont. On connaît l’importance des rivières à une époque où il n’y a pas de route. Avoir une rivière dans sa seigneurie présente toujours un avantage incontestable pour l’alimentation des moulins en énergie, la pêche qu’on peut y faire et l’usage multiple de son eau. Laval Marquis par exemple, propriétaire d’une pinède à Saint-Charles en 2008, se souvient avoir pêché le doré à la Boyer. La présence d’une telle rivière facilite grandement le peuplement. Olivier Morel demande donc l’agrandissement de sa seigneurie au sud-ouest en compensation de nombreux services rendus à l’État comme officier de l’armée française appelé constamment à faire campagne contre les Iroquois et il l’obtient. En lui concédant ce territoire les autorités royales compensent également pour les sommes déboursées dans la région des Grands Lacs à titre de commandant du fort Michillimakinak.
Une
partie de la rivière Boyer située à l’ouest du Pont Picard de Saint-Charles
sera annexée à la seigneurie La Durantaye en 1693. Une autre partie, plus à
l’ouest encore, le sera trois ans plus tard.
Deuxième agrandissement de la seigneurie et de la
paroisse
En
1696 le territoire de la seigneurie La Durantaye et par le fait même
celui de la paroisse Saint-Laurent s’agrandit à nouveau au sud de
Beaumont : deux lieues de profond qui s’ajoutent au sud de l’autre,
concédée en 1693, et deux lieues de profond au sud de Vincennes en de part et
d’autre de la Rivière Boyer, sur une largeur d’une lieue d’est en ouest jusqu'à
la seigneurie La Martinière. L’ensemble de l’augmentation correspond au
territoire actuel de Saint-Gervais et de Saint-Charles en très grande partie.
On
est à même de constater que déjà en 1696 le territoire de la seigneurie
La Durantaye est immense.
Si elle a une largeur de 15 kilomètres (un peu plus de 3 lieues) au fleuve entre Berthier et Beaumont elle en a une, plus au sud, de 24 Kilomètres (5 lieues) entre la ligne frontière de Berthier-Bellechasse à l’est, et celle de Lamartinière à l’ouest, collée à la seigneurie de Lauzon.
Faubourg
des Moulins à Saint-Gervais le long du rang 1 (première Cadie)
Par
cet agrandissement, outre la rivière Boyer, on allait chercher une autre partie
de la rivière Le Bras ainsi qu’un de ses principaux affluents à savoir la Rivière
du Moulin qui alimente le Faubourg
des Moulins au premier rang de ce qui deviendra Saint-Gervais et qu’on
appellera Première Cadie en mémoire des pionniers Acadiens qui s’y installent
en 1755-56 après avoir fui à travers bois la déportation des leurs. Aidés des
Indiens Malécites et Micmacs, ils arriveront à Québec, pour être ensuite accueillis
par le seigneur Péan fils, à la demande des autorités.
On
leur devrait entre autres l’introduction de la patate en Bellechasse.
La
majeure partie de la rivière Boyer située maintenant sur le territoire actuel
de la municipalité de Saint-Charles passe donc dans la seigneurie de La
Durantaye et dans la paroisse Saint-Laurent au moment de son augmentation en
1696 par Olivier Morel de La Durantaye. À l’époque, il faut se le rappeler, la seigneurie
de Beaumont a seulement une profondeur d’une lieue et demie (7.2 kilomètre) à
partir du fleuve. Elle rejoint à peine la rivière Boyer dans sa partie sud-est
(voir les cartes 1, 2, 3 et 4). Ce n’est qu’en 1713 que la seigneurie de
Beaumont sera agrandi « illégalement » au sud jusqu’à la Rivière Le
Bras, à même le territoire de cet agrandissement de la seigneurie La Durantaye.
On dit « illégalement » car l’acte d’augmentation de la seigneurie de
Beaumont en 1713 mentionne que les terres réclamées par le demandeur sont des
terres non concédées. Or toutes les terres visées par l’acte
d’augmentation avaient été concédées à Olivier Morel en 1696. S’il y avait eu
contestation et procès, l’acte d’augmentation de 1713 aurait été annulé.
Comme
toute seigneurie, celle d’Olivier Morel ne devient rentable qu’avec les années
au fur et à mesure du peuplement.
La paroisse Saint-Laurent prend le nom de Saint-Michel-de-La Durantaye
Seigneurie de Bellechasse, la plus vieille du Comté, face à l’île
d’Orléans
En
1698, la paroisse Saint-Paul de l’île d’Orléans change de nom pour
prendre celui de Saint-Laurent. Le fait d’avoir Saint-Paul comme patron faisait
en sorte que cette paroisse de l’île d’Orléans était toujours fêtée en même
temps que Saint-Pierre de l’île, une seule fête étant prévue dans le calendrier
liturgique pour les apôtres Pierre et Paul. Pour la paroisse de Saint-Paul, la
seule solution envisageable pour avoir sa propre fête était de changer de saint
patron et c’est ce qu’elle fait en 1698. Pour éviter toute confusion la paroisse
Saint-Laurent, sur la rive sud, change de nom à son tour. Elle s’appellera
désormais Saint-Michel-de-La Durantaye : Saint-Michel en référence à
l’archange Saint-Michel son nouveau saint patron emprunté à la paroisse commune
de 1678 en remplacement de Saint-Laurent, et La Durantaye en référence à la
seigneurie d’Olivier Morel. Ce n’est qu’au 19ième siècle qu’on
parlera de Saint-Michel-de-Bellechasse au moment de la création du District de
Comté de Bellechasse en 1845 remplacé, après l’abolition du système
seigneurial en 1854, par le Conseil de Comté, remplacé à son tour par La
Municipalité Régionale de Comté (MRC) en 1982. Bellechasse fait référence
au comté créé sous le nom d’Hertford en 1791 et rebaptisé Bellechasse en
1829 du nom de sa plus vieille seigneurie à l’époque (maintenant
Berthier-sur-mer) avant que celle-ci ne passe dans le comté de Montmagny en 1850.
Première chapelle de Saint-Michel-de-La Durantaye
En
1702, la laiterie de Jacques Corriveau sert de résidence au curé. On est
alors sur la terre de Jacques, fils d’Étienne et capitaine de milice, située à
l’est de l’embouchure de la rivière Boyer. Une petite chapelle dédiée à Sainte
Anne y est également construite. On situe la terre de Jacques Corriveau à
l’emplacement actuel de l’école La Ruche au cœur du village de Saint-Vallier.
Population de la seigneurie La Durantaye en 1706
On
assiste petit à petit à l’augmentation de la population. En 1663 l’État reprend
la colonisation en main et la population du Canada augmente. En 1673 elle aura doublée.
Ici en Bellechasse, au recensement de 1706, on compte 225 personnes dans
la paroisse et seigneurie de Saint-Michel-de-La-Durantaye, de part et d’autre
de l’embouchure de la rivière Boyer. Selon la carte géographique de Gédéon Catalogne
réalisée par Jean-Baptiste de Couagne en 1709, la presque totalité des
terres riveraines est occupée et un deuxième rang est déjà amorcé au sud, à
l’ouest de l’embouchure de la rivière Boyer, rang 2 de l’actuelle municipalité
de Saint-Michel. Outre les Corriveau et les Champagne on y trouve des noms
comme Carrier, Boutin, Roy, Marchand, Breton, Leblond, Laverdière, Miraux,
Tibot, Gendreau, Beaudet, Marquet, Fontaine, Lacroix, Gauvin, Labri, Boulanger,
Lafleur, et d’autres.
La première route : le Chemin du Roi
Le fleuve, seule voie de communication pendant 200 ans
À
partir de 1713 les habitants peuvent emprunter un chemin tracé par le
Grand Voyer (ingénieur royal) Robineau de Bécancour. C’est le Chemin du Roi qui devient le premier rang et qui doit être
entretenu par les habitants-censitaires obligés également à la corvée par le
système seigneurial. Les milices paroissiales dirigées par un capitaine et
composées d’hommes valides en âge de porter une arme, c'est-à-dire des recrutés
de 16 ans et plus, font observer la loi seigneuriale en obligeant les
récalcitrants éventuels. Aucune autre route n’existe alors; seulement des
sentiers empruntés par les indiens de passage et les colons avoisinants.
Ce
chemin du Roi ne peut d’ailleurs pas servir de substitut à la route fluviale
avant que les ponts ne soient construits au début du 19ième siècle.
Durant 200 ans le fleuve est donc à toutes fins utiles la seule voie de
communication. Après les bateaux à voile et les barques à fonds plats, viennent
les goélettes et les vapeurs, puis le chemin de fer, les routes de terre, les
voitures, les autos-neiges, le camion avec le déneigement des routes durant l’hiver,
l’autobus et l’avion.
Création de la paroisse Saint-Philippe, Saint-Jacques
En
1713-1714, les paroissiens de Saint-Michel-de-La Durantaye situés à
l’est de l’embouchure de la rivière Boyer, les Michelois d’en bas (en aval de
l’embouchure au fleuve) deviennent paroissiens de la paroisse Saint-Philippe et
Saint-Jacques créée par Monseigneur de Saint-Vallier, deuxième évêque de
Québec.
Pourquoi créer une nouvelle paroisse? La rivière Boyer empêche les Michelois d’en haut (en amont de l’embouchure au fleuve) d’aller le dimanche à la chapelle située de l’autre côté de la rivière (en aval). L’intendant Raudot avait bien ordonné la construction d’un pont mais cette ordonnance n’avait pas encore été suivie. Elle le sera seulement 100 ans plus tard en 1800. Faute de pont, l’Église crée une nouvelle paroisse forçant ainsi les Michelois d’en haut à se construire une autre chapelle dans la seigneurie, à l’ouest de la Rivière, sur un terrain que le cultivateur Louis Lacroix donne à la nouvelle fabrique en 1712-1713 correspondant au site de l’église actuelle dans le village à Saint-Michel. La maison de la famille Théberge, située sur la 132 à Saint-Michel au bout de la Rue de l’Église, est témoin de la naissance de cette paroisse puisqu’elle date de 1712. Ayant appartenu à la famille Théberge depuis 4 générations, on pense même que cette maison aurait eu le cultivateur Louis Lacroix comme premier propriétaire.
Maison
Théberge, 1712, possiblement celle de Louis Lacroix
Pendant
7 ans donc et à partir de 1714, la seigneurie de La Durantaye compte en
son sein deux paroisses : Saint-Michel-de-La Durantaye et
Saint-Philippe-Saint-Jacques. En 1750 la paroisse Saint-Philippe et
Saint-Jacques perdra une partie de son territoire au profit de la paroisse
Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud. Au sud de l’autoroute 20 cette partie de
territoire de la seigneurie de Saint-Vallier correspond à cette partie du rang
de Valleville(228), du rang du Sault et du rang Sainte Catherine à l’est de la
Montée Station et de son prolongement imaginaire dans la municipalité de
Saint-Raphaël au nord comme au sud de la Rivière-du-Sud.
Construction d’une première église dans la seigneurie La Durantaye
Première église de Saint-Philippe
et Saint-Jacques, 1716-1904, construite sur le site actuel du cimetière de Saint-Vallier
Du côté est de la rivière, en remplacement de la laiterie Corriveau devenue presbytère et de la petite chapelle Sainte-Anne, on construit une première église en 1712. Elle sera ouverte au public en 1722 sur une partie de terre que le seigneur s’était réservé à même la terre qu’il concède à son censitaire Laurent Taraut, dit Champagne. Cette terre voisine celle d’Étienne Corriveau. Chose remarquable, cette église en pierre, située sur le site actuel du cimetière de Saint-Vallier, sert au culte de la paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques pendant près de deux cents ans, jusqu’en 1904, année où elle est démolie pour agrandir le cimetière.
Presbytère
de Saint-Vallier construit en 1849 en remplacement de l’ancien
Un presbytère est également construit à côté de l’église
qui sera remplacée en 1849 et déménagée au Quatre Chemins par la suite au début
du 20ième siècle.
Le domaine seigneurial de la seigneurie La Durantaye
Halte routière de Saint-Vallier, site de l’ancien domaine seigneurial
On
sait depuis le terrier du Saint-Laurent de Marcel Trudel et la carte du
militaire Gédéon Catalogne que le domaine seigneurial d’Olivier Morel est situé
de part et d’autre de l’embouchure de la rivière Boyer : trois terres à
l’ouest dans la paroisse Saint-Michel-de-La Durantaye, trois terres à l’est
dans la paroisse Saint-Philippe-Saint-Jacques. Le manoir seigneurial ayant été
construit à l’ouest de la rivière (site borné au nord par ce que l’on connaît
aujourd’hui sous le nom de l’Anse Mercier) le seigneur Olivier Morel est donc
paroissien de Saint-Michel. C’est quand
même sous son banc, à l’église de la paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques, nouvellement
construite dans cette paroisse toute récente, qu’il est inhumé en 1716, dans
sa seigneurie de La Durantaye. C’est qu’il avait donné le terrain pour la
construction de cette église avant que la paroisse Saint-Michel-de-La Durantaye
ne soit scindée et la paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques ne soit créée.
L’inhumation sous le banc réservé au seigneur ainsi que la messe de fondation
célébrée à vie en sa mémoire et celle de sa famille étaient des privilèges
réservés au donateur du terrain.
Création de la seigneurie de Saint-Vallier
En 1720, une nouvelle seigneurie est créée à
même le territoire de la seigneurie La Durantaye. Tous les colons-censitaires
de La Durantaye, situés entre la limite ouest du domaine seigneurial (9 arpents
à l’ouest de l’embouchure de la rivière Boyer) dans la paroisse Saint-Michel et
la frontière de la seigneurie Berthier-Bellechasse dans la paroisse Saint-Philippe et
Saint-Jacques créée en 1714, deviennent
des censitaires de la seigneurie de Saint-Vallier avec comme
nouveau seigneur : les religieuses de la Communauté des Augustines
Hospitalières de l’Hôpital Général de Québec. La seigneurie de Saint-Vallier
empiète donc sur le territoire de la paroisse Saint-Michel, la frontière de la
seigneurie n’étant pas la même que celle de la paroisse Saint-Philippe et
Saint-Jacques. C’est que le domaine seigneurial acquis par les Religieuses de
Louis Joseph Morel qui l’avait reçu en héritage de son père, se situait de part
et d’autre de la rivière Boyer et donc de part et d’autre de la frontière des deux
paroisses. En plus du territoire de la
paroisse Saint-Philippe et Saint-Jacques la seigneurie de Saint-Vallier
contenait donc une partie du territoire de la paroisse Saint-Michel. C’est pour
ça que les religieuses, pourtant seigneuresses de Saint-Vallier, contribueront financièrement (un
document atteste qu’elles ont payé les clous) à la construction de l’église de
Saint-Michel en 1736. C’est qu’elles étaient paroissiennes de Saint-Michel du
fait que le manoir de leur seigneurie de Saint-Vallier y était.
La seigneurie de La Durantaye change de nom pour
Saint-Michel
C’est
à la suite de cette perte de territoire au profit de la seigneurie de
Saint-Vallier que la seigneurie La Durantaye change de nom. On l’appellera désormais seigneurie de Saint-Michel
car le territoire de la seigneurie recouvre le même territoire que celui de la
paroisse Saint-Michel-de-La Durantaye qui elle aussi se fera appeler Saint-Michel
avant de prendre le nom de Saint-Michel-de-Bellechasse au 19ième
siècle.
Malgré
la perte de Saint-Vallier, le territoire de la seigneurie et de la paroisse Saint-Michel demeure immense. Il
contourne la seigneurie de Saint-Vallier au sud est sur une profondeur de deux
lieues jusqu’au territoire actuel d’Armagh et sur une largeur d’une lieue et
quart jusqu’au territoire de la seigneurie de Berthier. Le territoire contourne
également la seigneurie de Beaumont à l’ouest, au sud de la rivière Le Bras, jusqu’au
territoire de la seigneurie Lamartinière collée à celle de Lauzon. En
profondeur elle rejoint le 4ième rang actuel de Saint-Gervais au sud
de la Rivière Le Bras et de part et d’autre de la Rivière du Moulin. C’est de
là, dans la tête des colons du 4ième et 5ième rang, que
germera l’idée de fonder la nouvelle paroisse de Saint-Lazare, siège actuel des
bureaux de la MRC de Bellechasse. L’église de Saint-Gervais est trop loin de
leur profit. Ils en réclament une nouvelle, plus accessible.
Agrandissement « illégal » de la seigneurie de Beaumont vers le sud
Domaine seigneurial de Beaumont
Il
est important de noter ici que la seigneurie de Beaumont en 1720 est déjà
agrandie jusqu’à la rivière Le Bras à même le territoire de la seigneurie La
Durantaye. Puisque personne ne s’était encore établi là de part et d’autre de
la rivière Boyer à part quelques colons qu’il prétendait y avoir lui-même
installés par ignorance des limites de sa seigneurie, le seigneur Charles
Couillard en avait fait la demande de concession aux autorités de Québec
croyant sans doute que ces terres appartenaient à la Couronne. Le Gouverneur et
l’Intendant n’ont pas fait vérifier l’appartenance de ce territoire et ont
accordé la possession de ces terres au seigneur Charles Couillard. Les terres, à
lui non concédées, tel que libellé dans la demande de concession aux
autorités, deviennent les terres non concédées dans le libellé de
l’acte de concession. Personne n’a contesté et l’agrandissement est
passé à l’histoire. Charles Couillard doublait ainsi sa seigneurie d’une
lieue et demie par le sud sans avoir à payer un sou au Seigneur Olivier
Morel de La Durantaye à qui appartenaient pourtant ces terres depuis 1693 et
1696. (Voir en annexe les actes de concession accompagnés de
commentaires.) Heureusement pour Charles Couillard et sa famille car on dit
qu’il n’était pas très fortuné. N’’ayant pas rendu de services particuliers à
l’État il n’aurait pas pu accéder aux terres convoitées à moins de les acheter.
On
peut se demander pourquoi le seigneur de La Durantaye n’a pas contesté
l’agrandissement de Beaumont en 1713. Tentative de réponse : Olivier Morel,
vivant au-dessus de ses moyens pour s’assurer d’un niveau de vie digne de son
rang, comme plusieurs nobles de l’époque, il n’a ni l’argent ni l’énergie pour
aller en procès. Il a des dettes et pour les payer il est obligé de vendre
l’hôtel particulier qu’il s’était fait construire à Québec. Il est aussi au
terme de sa vie puisqu’il meurt 3 ans plus tard en 1716. De plus, il avait
concédé les terres convoitées par Charles Couillard en sous-fiefs à ses enfants
et ceux-ci étaient retournés en France peu empressés à s’occuper de leurs
affaires en Canada.
Deux autres agrandissements de la seigneurie de Saint-Michel :
1744 et 1752
Ce n’est qu’en 1736, lors d’un encan, que la partie ouest de la seigneurie La Durantaye, appelée alors Saint-Michel, est vendue, amputée de l’agrandissement de Beaumont, à Jacques-Hugues-Péan-de-Livaudière qui devient le deuxième seigneur de Saint-Michel après Olivier Morel de La Durantaye. Jacques Péan meurt en 1747 après avoir agrandi la seigneurie Saint-Michel d’une demie lieue (2,4 kilomètre) au sud-ouest et d’une autre demie lieue derrière Vincennes, en 1744, à la suite d’un jugement de cour contre Lafontaine de Belcour qui à l’instar de Charles Couillard s’était lui aussi fait concéder des terres qui appartenaient à quelqu'un d’autre. Il semble que ce soit pratique courante à l’époque car Madame Boisseau fera de même avec son petit fief de Vitré ou Montapeine en 1751. Voir à ce sujet la carte No 8. Alors qu’il mesure à peine une demie lieue de profondeur c’est-à-dire 40 arpents, elle le vend à gros prix (1800 livres) à son voisin, le seigneur de Vincennes, en lui donnant une profondeur de 6 lieues soit 504 arpents. Le seigneur de Lamartinière proteste énergiquement et madame Boisseau se voit forcer de reprendre son petit fief de 10 arpents de large par 40 arpents de profond quelques années plus tard. Celui-ci sera vendu ensuite pour une somme ridicule (cent chelins) au seigneur Fraser et intégré à sa seigneurie de Lamartinière. Le Parc Drapeau à l’extrême ouest de la municipalité de Beaumont est situé sur l’ancien territoire de ce petit fief Vitré accolé à l’ancienne seigneurie de Vincennes. La rue qui nous y conduit à partir de la 132 porte le nom de Vitré.
Moulin de Beaumont autorisé par
Charles-Joseph Descheneaux, co-seigneur
de Saint-Michel
Après avoir démoli le vieux moulin de la Rivière Boyer à l’est de sa seigneurie pour en récupérer la machinerie, Jacques-Hugues-Péan-de-Livaudière construit le moulin Péan au pied de la falaise de la chute à Maillou à la frontière ouest de sa seigneurie et celle de Beaumont sa voisine. La chute Maillou étant sur le territoire de la seigneurie de Beaumont à la suite d’un jugement de cour que Charles Couillard premier avait gagné contre Olivier Morel soixante ans auparavant, Péan-de-Livaudière père achète le droit de mouture du seigneur Couillard second. Son fils Michel-Jean-Hugues-Péan-de-Livaudière lui succède et agrandit la seigneurie Saint-Michel au sud sur le territoire actuel des municipalités de Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien Nord en 1752. En 1831, L’arpenteur et cartographe Josephe Bouchette donne le nom d’augmentation à l’agrandissement des secteurs de Saint-Gervais et Livaudière jusqu’à Saint-Damien. En tout ou en partie, à l’abolition de la tenure seigneuriale en 1854 la seigneurie de Saint-Michel compte 6 paroisses : Saint-Michel, Saint-Raphaël, Saint-Nérée, Saint-Damien, Saint-Lazare, et Saint-Charles. Quand la paroisse et le village de La Durantaye sont créés sur son territoire en 1910 en lieu et place du hameau Saint-Michel–Station, la tenure seigneuriale a été abolie et la seigneurie La Durantaye a disparue, remplacée par une municipalité à l’intérieur d’un Conseil de Comté puis d’une Municipalité Régionale de Comté (MRC).
Village de Saint-Lazare, sur un territoire qui sera annexé à Saint-Michel en 1752
Le domaine des religieuses à Saint-Damien sur le territoire qui sera annexé à la seigneurie de Saint-Michel en 1752
Le territoire de la municipalité de Saint-Nérée sera annexé à la seigneurie
Saint-Michel en 1752
Complice
de l’intendant Bigot, dont il épouse la maîtresse, et de son secrétaire Brassard
Descheneaux, Péan fils utilise le moulin Péan pour son commerce illégal de
farine jusqu’à la Conquête, de 1745 à 1759. Un quai sur la batture vis-à-vis du
moulin sert à exporter les poches de farine par bateaux malgré un interdit
royal promulgué à cet effet pour éviter la pénurie et la famine. On peut affirmer
sans trop se tromper que Péan, Bigot et Descheneaux ont contribué à affaiblir
le Canada au moment de la Conquête en exploitant honteusement leurs censitaires
confrontés à la pénurie de céréales et donc à la famine. On voit alors
plusieurs hommes, femmes et enfants mendier le pain. Probablement au courant de
la décision de la France d’abandonner graduellement le Canada à l’Angleterre au
profit des Antilles et d’un droit de pêche sur les côtes de Terre-Neuve, ces
trois individus qu’on peut en toute justice qualifier d’escrocs, profitèrent de
la situation pour s’enrichir.
Après le départ de Péan et de Bigot en France où ils seront jugés et condamnés, Brassard Deschenaux, resté au Canada, échappe à la justice bien que jugé coupable à son tour par contumace. Il acquiert la seigneurie de Saint-Michel en 1765. Il lègue la seigneurie à ses quatre enfants dont Charles-Joseph, curé de l’Ancienne Lorette qui en 1821 autorise comme co-seigneur la construction d’un moulin à carder en haut de la falaise. Le moulin Péan cesse ses activités en 1889. Onésime Poulin devenu propriétaire du moulin à carder (maintenant appelé moulin de Beaumont) prend la machinerie du moulin Péan et l’ajoute à son moulin d’en haut. En 1933, Adjutor Breton achète le moulin de Beaumont et le revend en 1947 à Arthur Labrie. C’est à ce dernier et Monsieur Robert Lamontagne que nous devons la restauration et la mise en marche du magnifique moulin que nous connaissons. Multifonctionnel, puisqu’une scie verticale et une ponceuse y furent également installées, ce Moulin de Beaumont nous rappelle encore aujourd’hui la très grande utilité de ces engins qui au cours des siècles, comme outil de transformation de la matière première, ont servi à nous vêtir (moulin à carder), à nous bâtir (moulin à scie) et à nous nourrir (moulin à farine).
Une présence Amérindienne dans la paroisse de
Saint-Michel
De
1745 à 1747, des Indiens Micmacs et Malécites (Etchemins) viennent s’établir
près de l’anse Mercier à l’est de la paroisse. Chassés de leur coin de pays par
les Anglais après le traité d’Utrecht qui leurs cède l’Acadie, ils se réfugient
dans la paroisse de Saint-Michel. Ils y resteront deux ans avant de s’en retourner
près de la Rivière Saint-Jean qui traverse tout le Nouveau Brunswick avant de
se jeter dans la baie de Fundy. Tout se passe bien car les Canadiens ont une
longue tradition de cohabitation avec l’Indien. Déjà au temps de Champlain en
1618 le chef des Algonquins de Trois Rivières dont les siens séjournaient
fréquemment au lac Saint-Pierre invitait le fondateur de Québec à venir bâtir une « habitation » à côté de
leur campement. Champlain aurait répondu à leur invitation en ces termes :
« …alors nos garçons se marieront à vos filles et nous ne serons plus
qu’un peuple ». Contrairement à Cartier et Roberval, Dugua de Mons et Champlain avaient reçu un
mandat clair des autorités françaises à l’effet de vivre en bonne intelligence
avec les autochtones du Canada. Ce mandat royal les obligeait à créer des alliances
et à sans cesse favoriser la paix entre les tribus et eux-mêmes. C’est ce
qu’ils feront dès le départ en fumant le calumet de paix avec les Montagnais
(Innus) alliés des Hurons à Tadoussac en 1600, avec les Micmacs à Port Royal en
1604 dans la Baie de Fundy et avec les Hurons de la région des Grands-Lacs dans
les années qui suivent la fondation de Québec en 1608.
Les Seigneuresses de Saint-Vallier
Moulin du Petit Canton, propriété des Sœurs Hospitalières, seigneuresses
de Saint-Vallier
La nouvelle seigneurie de Saint-Vallier, léguée par Olivier Morel à son fils aîné Louis-Joseph Morel, est achetée pour 16,000 livres (environ 96,000 dollars canadiens selon les données de l’historien Marcel Trudel qui nous suggère de multiplier par 6 le nombre de livres). C’est Monseigneur de Saint-Vallier qui l’achète au nom des Sœurs Augustines Hospitalières de Québec qui en deviennent les Seigneuresses. La seigneurie mesure environ une lieue et quart de large au fleuve par trois lieues de profond c'est-à-dire 7,5 kilomètres de large par 15 kilomètres de profond. Les religieuses font construire le Moulin du Petit Canton alimenté par l’eau du Lac Saint-Michel (maintenant Lac aux Canards) et cultivent les terres de leur domaine seigneurial à la Point à Boyer pour nourrir leur communauté en charge de l’Hôpital Général de Québec fondé à l’initiative de Monseigneur Saint-Vallier.
Maison
qui aurait servi de Manoir aux Sœurs Hospitalières, seigneuresses de Saint-Vallier
Comme
nous le mentionnions, on pense que les religieuses auraient pu habiter la
maison située présentement à l’ouest du pont qui traverse la rivière Boyer sur
le site reconnu du domaine seigneurial d’Olivier Morel qui sera acheté après
l’abolition du régime seigneurial par M. Joseph Mercier dit du pont. Ce
Monsieur Mercier aurait donné son nom à l’Anse jadis appelée Pointe à Boyer.
Le
procès verbal du procureur Collet qui procéda à l’inventaire des paroisses de
la Nouvelle-France en 1721 dont celles de Saint-Michel et de Saint-Vallier (Saint-Philippe
et Saint-Jacques) nous indique la présence de la maison de ferme des
religieuses à cet endroit, dans la paroisse de Saint-Michel.
Aucun document ne nous permet de croire que les mères hospitalières auraient habité la terre seigneuriale qu’Olivier Morel s’était réservé à l’Anse de Bellechasse en plus de son domaine à la rivière Boyer. Le manoir seigneurial qu’on y trouve maintenant connu sous le nom de domaine Amos ou domaine De Lanaudière est la responsabilité de la famille Tarrieu de Lanaudière qui achètera la seigneurie des religieuses en 1767 et fera de cette terre seigneuriale une terre domaniale en y construisant leur manoir en 1810. Sous le Régime Français il n’y a qu’un domaine dans la seigneurie et il est situé de part et d’autre de la rivière Boyer à son embouchure au fleuve. Trois autres terres seigneuriales ont été identifiées sous le régime français mais ces terres ne font pas parti du Domaine : Il y a celle de l’Anse de Bellechasse dont on vient de parler à la frontière est de la seigneurie La Durantaye (qui deviendra Saint-Vallier en 1720). Contestant cette frontière devant les tribunaux, le seigneur Olivier Morel ne voulait pas y installer de colons. Il y a ce terrain qu’Olivier Morel s’était réservé à la terre de son censitaire Tareau dit Champagne pour en faire dont à la fabrique en vue de bâtir la première église de Saint-Vallier. Il y a celle enfin que les Mères hospitalières ont gardé pour y faire construire le moulin du Petit Canton au sud de Saint-Vallier Station.
Manoir de Lanaudière habité jadis par les petites-filles de Madeleine de
Verchères qui avait épousé un Tarieu de Lanaudière.
La Conquête anglaise de 1755 à 1763 et Marie-Josephte Corriveau
Maison de ferme (maintenant à Beaumont) qu’aurait habité Marie-Josephte
Corriveau à Saint-Vallier
Depuis
plusieurs années déjà avant la bataille décisive des plaines d’Abraham la
résistance s’organise partout sur la rive sud à Saint-Vallier comme ailleurs. Marie-Josephte
Corriveau fait sa part en allumant des feux sur la grève pour avertir l’armée
française des déplacements de la flotte anglaise. Ni le sémaphore, ni le
télégraphe, ni le téléphone n’existant encore sur le continent, on s’arrange
autrement pour communiquer. En 1759 le Major Scott, débarqué à Kamouraska,
brûle près de 1000 bâtiments (maisons et granges) situés le long du chemin du
Roy entre Kamouraska et Saint-Thomas (Montmagny). La Côte-du-Sud est en feu. Aidés
des milices canadiennes les soldats français essaient de résister mais sans
l’aide d’un renfort espéré qui ne vient pas c’est peine perdue. Après avoir cédé
la Baie d’Hudson, Terre Neuve et l’Acadie, à l’Angleterre par le traité d’Utrecht en 1713, la France
abandonne maintenant le reste du Canada et c’en est fait de la Nouvelle France.
Elle signe le traité de Paris en 1763 et le territoire du Canada est réduit à
la Vallée du Saint-Laurent, là où il y avait la majorité des seigneuries dans
ce qui sera appelé par les Anglais : The Province of Quebec. Tous
ceux et celles qui vivent et vivront à l’intérieur des frontières plusieurs
fois modifiées de la Province de Québec s’appelleront désormais Québécois et
formeront une nation distincte reconnue tout récemment en 2007 par le parlement
canadien.
En cette même année 1763, Marie Josephte Corriveau de Saint-Vallier est arrêtée, jugée en anglais par le tribunal militaire et injustement reconnue coupable d’avoir assassiné son deuxième mari. Si le procès avait été équitable elle aurait bénéficié d’un non-lieu pour absence totale de preuve ou encore d’acquittement pour légitime défense compte tenu du fait que son mari la battait. Au lieu de cela elle est pendue et son corps est suspendu dans une cage de fer à Pointe Lévis pour servir d’exemple.
huile 16 po x 20 po, 1998. Oeuvre de Françoise
Pascals
Autour
de ces faits, une légende prend naissance. Jeune, jolie femme qui aime se
promener régulièrement sur la batture à dos de cheval pour goûter à la vie et déjà
perçue à cause de sa joie de vivre comme une femme aux mœurs légères par une
partie de son entourage aussi catholique que le pape, Josephte Corriveau est
soudainement métamorphosée en femme de mauvaise vie. Elle devient la Corriveau,
l’incarnation du mal, celle par qui le scandale arrive, l’objet de
concupiscence, la provocatrice, la damnée, la pécheresse, la femme « pestiférée »
la méchante sorcière qui, la nuit, décroche sa cage de la potence et s’attaque
aux passants. Avant d’être arrêtée et jugée, elle se serait d’ailleurs vengée
du mépris de ses concitoyens en tuant 7 de ses amants, à la manière de Barbe
Bleue qui avait tué 7 de ses femmes.
Nouveau seigneur : La famille Tarieu de Lanaudière
Manoir Henderson à Saint-Malachie
Après
la Conquête, en 1767, les religieuses n’ont pas les moyens de maintenir la seigneurie. Les dépenses
occasionnées par les soins accordés aux blessés de la guerre de 7 ans avaient
été trop élevées. Elles vendent donc la seigneurie de Saint-Vallier à Charles-François-Xavier-Tarrieu
de Lanaudière, fils de Madeleine de Verchères.
Celui-ci n’habitera jamais cette seigneurie, trop occupé à entretenir la
sienne dans Lanaudière, mais ses enfants font construire une résidence à la pointe
de Saint-Vallier (Anciennement Pointe de Bellechasse) là où Olivier Morel de La
Durantaye s’est déjà réservé un espace en plus de son domaine à la rivière
Boyer. Ajoutée à deux autres bâtiments dont l’un construit sous le régime français,
elle forme le manoir que l’on peut voir aujourd’hui. La famille Lanaudière le
garde jusqu’en 1850. Plusieurs propriétaires se succèdent ensuite,
plusieurs notables de Québec, puis le notaire Larue, à qui on doit la terrasse,
la famille Duchesne jusqu’en 1923 et la famille Amos, qui l’habite encore en
2008. À l’heure actuelle ce manoir seigneurial est le seul encore debout en
Bellechasse avec celui de Beaumont. Celui qu’on appelle Manoir Henderson à
Saint-Malachie n’est pas un manoir seigneurial mais un « manoir »
cantonal habité par un chef de Canton. La confusion vient du fait que le major
Henderson, en plus d’être chef de Canton, est aussi propriétaire d’une
seigneurie ailleurs. Il était seigneur mais pas seigneur de Saint-Malachie. Si les
termes domaine et manoir sont maintenant utilisés pour désigner des propriétés
cossues, ils désignaient uniquement jadis les terres et la maison du seigneur.
Le moulin du « Grand-Sault »
Moulin du « Grand-Sault » devenu centrale hydro-électrique à
la Rivière-du-Sud dans le secteur de Saint-Raphaël appelé Arthurville.
En
1796-97, le
seigneur de Saint-Vallier, Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière, petit fils de
Madeleine de Verchères mariée à Tarieu de Lanaudière et frère des demoiselles
Marie-Louise-Agathe et Charlotte-Marguerite qui habiteront le manoir, fait
construire un nouveau moulin à eau le long de la Rivière du Sud sur un site qui
appartient maintenant à la municipalité de paroisse de Saint-Raphaël. La
construction d’un deuxième moulin dans la seigneurie de Saint-Vallier devient
nécessaire pour répondre à la demande de farine car le moulin du Petit Canton
ne produit pas suffisamment. Une requête est adressée alors par la famille
Tarieu de Lanaudière au Grand Voyer Taschereau pour qu’il autorise la
construction d’une route (montée du Grand Sault) permettant de se rendre du rang
Vide-poches de Valleville (rte 228), près d’où est construit le moulin du Petit
Canton de la Montée station, au rang du Sault d’Arthurville là où sera
construit le nouveau moulin qu’on appelle maintenant moulin du Grand-Sault de
Saint-Raphaël.
L’occupation américaine et la légende des excommuniés
Les
vieux fusils, huile 16 po x 20 po, 1998. Oeuvre de Françoise Pascals. «À l'heure où le passé et le présent
se confondent au coeur de la nuit bleue, ils veillent sur leur village dans
l'espoir qu'un jour, une nuit, les âmes engourdies des villageois entendent la
voix des vieux fusils, ceux qui refusent de se rendre ».
Cette légende des Vieux Fusils ou des Excommuniés prend son
origine dans un événement qui s'est passé dans l'église de Saint-Michel au
moment où l'armée du Congrès américain envahit le Québec en 1775 dans le but de
le conquérir pour en faire sa 14ème Colonie. Afin d’éviter que les Canadiens de la Vallée du Saint-Laurent,
nommés Québécois par les Anglais, deviennent Étatsuniens, Sa Majesté
britannique Georges III donne force de loi au Quebec Act en juin
1774. Désastreux pour tous les Canadiens hors Québec dépossédés de leur
statut de Canadien, L'Acte de Québec est avantageux pour les Québécois.
Il abolit le serment du Test qui oblige les catholiques à nier l'infaillibilité
du Pape, la virginité de Marie et la présence réelle du Christ dans l'hostie
pour obtenir un poste dans la haute fonction publique. Ce serment du Test
est remplacé par le serment d'allégeance. L'Acte de Québec redonne
aux Québécois le libre exercice de la religion catholique et à l'Église le
droit de percevoir la dîme. Les lois civiles françaises sont rétablies et
le régime seigneurial maintenu. Enfin, le territoire du Québec est
agrandi pour inclure la région des Grands Lacs dont une partie deviendra plus
tard le Haut Canada (1791), maintenant
province de l’Ontario, avec l'idée stratégique géopolitique d'encercler
les Québécois pour mieux les contrer.
Dans le même esprit et la même stratégie d'encerclement, les Anglais restés
fidèles à la Couronne britannique après l'indépendance américaine (les
loyalistes) occuperont les terres situées autour des seigneuries à l'intérieur
de cantons qui seront appelés les Cantons de l’Est. Les Anglo-Saxons ne veulent
pas vivre avec les Québécois. Dans la MRC de Bellechasse ces cantons ont pour
nom : Armagh, Mailloux, Buckland et Standon. Progressivement les Québécois
francophones, catholiques et amérindianisés connaîtront une expansion
démographiques telle qu’ils occuperont les cantons ce qui rendra très difficile
au Québec la vie de ceux qui refuseront de s’intégrer à la culture québécoise. Devenus
minoritaires, ceux qui pourront s’intégrer resteront et les autres partiront. Déjà catholiques pour une grande part, les
Irlandais s’intègreront plus facilement.
Bien que stratégique, l’Acte de Québec est généreux
puisqu'il consolide les bases de la nation québécoise. Toutefois, certains
paroissiens restés amers après la Conquête voient dans l'occupation américaine
l'occasion de renverser le gouvernement britannique en Canada. De
Kamouraska à Beaumont, la Côte-du-Sud est alors le théâtre d'une guerre civile. Pères contre fils, frères contre frères : 170 se joignent à
la milice probritannique, dirigée par le seigneur Beaujeu de l'Île aux
Grues, contre 150 qui se joignent à la milice proaméricaine. Cinq de ces 150
miliciens refusent de capituler et sont excommuniés par monseigneur Briand,
septième évêque de Québec, pour avoir manifesté publiquement leur désaccord
avec l'Église qui prônait la collaboration avec l'armée anglaise du gouverneur
Carleton. «C'est assez longtemps prêché pour les Anglais», crièrent-ils
au prédicateur jésuite, invité pour la circonstance, en pleine messe
dominicale. Chassés de la communauté, ils vécurent reclus dans le sud de
la seigneurie. À leur mort, ils furent enterrés dans un champ du
quatrième rang de Saint-Michel (aujourd'hui La Durantaye) sur la propriété de
monsieur Cadrin. Leurs restes furent exhumés en 1880 et inhumés de
nouveau dans le cimetière de Saint-Michel à l'endroit réservé aux enfants morts
sans baptême. Depuis, certains ont assuré avoir vu les corps sortir de
leur tombe et errer dans la nuit. Encore aujourd'hui, par les soirs de
brume et de pleine lune, on peut voir les cinq excommuniés, ou plutôt leurs
fantômes, se promener autour de l'église avec leurs vieux fusils français
(mousquets) sur l'épaule. Pareille légende devait fournir le sujet d'un
long poème au poète Louis Fréchette. Ce poème intitulé Les excommuniés
fut publié en 1887 dans La légende d'un peuple.
Notons enfin que les Michelois ont
déjà porté le surnom de feux-follets ainsi nommés par les habitants de l'Île
d'Orléans qui, par les soirs de beau temps, voient sur la grève plusieurs feux
allumés par les gens de Saint-Michel pour se réchauffer le coeur.
Évidemment, pour les gens de Saint-Michel les feux-follets ce sont les
habitants de l'île d’Orléans qui eux aussi allumaient des feux sur la grève.
Un premier pont à la rivière Boyer
Autour
des années 1800 un premier pont en bois est construit à la rivière Boyer. Avant
cela on traversait à ses risques : à guai aux heures de marée basse et à
l’aide d’une embarcation aux heures de marée haute. En 1812 M. Gosselin, agissant au nom de la famille
Riverin qui avait payé le pont initial, accepte de faire les réparations qui
s’imposent à ses frais moyennant que le pont devienne payant. Il le sera
pendant 25 ans.
Le Bourg (village) de Saint-Michel
Village de Saint-Michel vu de la marina
Le
bourg de Saint-Michel, le premier en Bellechasse, ne prend forme qu’au début du
19ième siècle autour de 1800.
Il
faut rappeler ici, comme on le mentionne plus haut, que durant tout le régime français
on interdit les villages c’est-à-dire les agglomérations de maisons autour des
églises ainsi. Pour se bâtir il faut avoir une terre, c'est-à-dire un terrain
d’au moins 1 arpent et demi de large par 30 arpents de profond. On
fait cela pour que le territoire, en friche, soit domestiqué plus
rapidement. Une fois celui-ci défriché,
cultivé, habité et suffisamment peuplé, on peut alors autoriser le
développement des bourgs et hameaux pour qu’artisans, commerçants et
professionnels puissent s’y installer, allégeant du coup la lourde tâche des
cultivateurs qui, avant cela, sont forcés de tout faire eux-mêmes. Au Québec, l’interdit de se bâtir sur de
petits terrains pour des fins autres qu’agricoles est levé seulement sous le
régime anglais, quelque temps après la Conquête.
Ainsi,
au 17ième et 18ième siècles, à Saint-Vallier et Saint-Michel, comme partout ailleurs en
Bellechasse et au Québec, les gens ont leur lieux de culte (église et
presbytère) où ils vont de façon régulière, mais pas de village, c’est-à-dire
pas de maisons autour de ces institutions religieuses et donc pas de boutique
d’artisans, et pas de commerce. Le censitaire est condamné à l’autonomie pour
se développer. C’est le système
ADIC : autonomie, débrouillardise, ingéniosité, créativité. C’est ce
qui explique que le rang et la paroisse ont davantage servi de
pôle identitaire aux Québécois que le village, apparu plus tardivement au 19ième
siècle. Les gens se rendent à l’église, mais ils vivent le long des rangs à l’intérieur de leur
paroisse et seigneurie respectives. Chaque terre est une sorte de PME familiale
et on en sort pour aller : soit à l’église
pour les offices religieux, l’enseignement moral et la quête, soit au manoir
pour payer annuellement le cens et la rente, soit au moulin seigneurial
pour faire moudre le grain qui permet le pain, soit chez le voisin pour
l’entraide, la fête ou les corvées, soit au fleuve pour la pêche, la
chasse, le foin de mer, le commerce et les voyages.
Dans les concessions riveraines, comme à Saint-Vallier et Saint-Michel, les terres vont jusqu’au fleuve. Outre le seigneur, c’est généralement un cultivateur qui donne ou vend une partie de sa terre à la Fabrique pour l’érection d’une église et d’un presbytère, institutions qui deviennent au 19ième siècle le cœur des villages autorisés. Quand les Anglais arrivent pour la conquête en 1755 il n’y a que 3 villages au Québec : Québec (7,200 baptisés), Montréal (5,000 baptisés), Trois-Rivières (700 baptisés). Charlesbourg et Beauport présentent une exception. Une tentative de village en disposant les terres en pointes de tarte autour du cœur institutionnel avait été faite sous le régime français mais ce modèle de développement circulaire n’a pas été repris par la suite. À part cela, il n’y a que des forts qui servent de garnison, de poste de traite et de mission : une soixantaine d’établissement canadiens où vivent militaires, marchands, coureurs de bois autorisés (voyageurs), gens de métiers) et des villages indiens où vivent autochtones et coureurs de bois plus ou moins assimilés.
Maison
d’allure suisse-allemande construite en 1812 par Michel Germain
À Saint-Michel, sur la carte que le Gouverneur Murray fait faire au lendemain de la Conquête en 1763, on constate qu’il n’y a qu’une maison dans la « cuvette », endroit désigné bourg en 1754. Ce n’est qu’à la fin du 18ième et début du 19ième siècle, autour de 1800 que les premières maisons font leur apparition près des institutions religieuses pour constituer graduellement le village. Au recensement de 1815 il y a 12 maisons autour de l’église et la maison d’allure suisse-allemande construite par le tanneur Michel Germain, fils d’un mercenaire allemand venu se battre contre les Américains en 1775-76, est du nombre. Vers 1830 l’arpenteur géographe Joseph Bouchette y dénombre une trentaine de maisons et en 1851 on en compte 104. Selon Serge Courville Saint-Michel et Saint-Thomas (qui deviendra Montmagny) constituent les deux plus grosses agglomérations de la Côte-du-Sud. À la fin du 19ième siècle le village de Saint-Michel comprend 170 emplacements à l’intérieur d’un espace tricoté serré de rues étroites. C’est ce qu’on appelle le caractère urbain du village.
À
l’avant-plan : maison du registraire. À l’arrière-plan : Cour de
justice (maintenant Bibliothèque Benoît-Lacroix)
En 1849 Saint-Michel est choisi pour être le chef-lieu du comté de Bellechasse, ce qui mène à la construction d'une Cour de justice (1859) et à l'établissement de notables dans le village : juge, avocat, huissier, registraire qui s'ajoutent au médecin et notaire déjà présents. C'est également au 19ième siècle que sont construits le collège (1853), le quai (1858), le lieu de pèlerinage Notre-Dame-de-Lourdes (1879) en remplacement de la chapelle Saint-Joachim située alors au coin sud-ouest de la Rue Principale et de l'Avenue de la Grève, et le couvent (1890) qui remplace à son tour celui de 1861 qui avait été déménagé là en 1865. Comme pour le bourg qui devient village en 1845 la paroisse devient municipalité de paroisse en 1855 à la suite de l'abolition du système seigneurial. Saint-Michel-de-La-Durantaye s'appellera dès lors Saint-Michel-de-Bellechasse. Si La Durantaye faisait référence à la seigneurie, Bellechasse fait référence au comté d'abord créé sous le vocable Hertford en 1791 et rebaptisé Bellechasse en 1829 en souvenir de sa plus ancienne seigneurie, celle de Bellechasse (Berthier). Le comté continuera de s'appeler Bellechasse mais il perdra Berthier-Bellechasse en 1854 au profit du comté de Montmagny.
Jetée en
remplacement du quai
Au 20ième siècle on ajoute aux institutions une deuxième chapelle Sainte-Anne (1905) en remplacement de la première située plus à l'ouest. On installe l'électricité en 1923. On ajoute une école primaire (1960) en lieu et place de l’hôtel « Les Champs Élysées » qualifié de lieu de perdition par le curé, un hôpital (1966), une caisse populaire au 76, rue Principale (1973) en remplacement de l'ancienne au 59, rue Principale (1937), un Centre communautaire (1976), une jetée et marina (1991) en remplacement du quai, un golf (1991-1992), un Théâtre d'été (1975), plusieurs commerces et de nombreux hôtels (transformés maintenant en résidences privées) pour recevoir pèlerins et visiteurs.
Le Bourg de Saint-Vallier
Boulangerie « La Levée du Jour », au cœur du faubourg de
Saint-Vallier
Contrairement à l’habitude et de façon tout à fait exceptionnelle, le village de Saint-Vallier ne s’est jamais développé comme bourg autour de l’église et du presbytère situés au premier plateau (site du cimetière actuel) mais comme faubourg, (hors du site normalement désigné à cet effet), plus haut, au sud, près du chemin de la rue Principale actuelle, au deuxième plateau, à la suite d’une modification probable du tracé initial du Chemin du Roi. Un chemin qu’on appelle aujourd’hui l’avenue De L’Église, part du fleuve, croise le Chemin du Roi, devenu Rue Principale, en direction sud jusqu’à la voie de contournement qu’on appelle la 132 avant de poursuivre sa course vers Saint-Vallier Station par la Côte des Canons ainsi appelée après que l’armée américaine et sa milice y ait laissé un canon enlisé dans la boue dans les années 1775-1776.
La coopérative La Mauve à Saint-Vallier
Le
hameau de Saint-Vallier se constitue autour de 1830.
Sur
la carte que le Gouverneur Murray fait faire au lendemain de la Conquête en
1763 on constate qu’il n’y a que quelques maisons au premier plateau du bas de
la côte, rien qui pourrait faire croire
à la présence d’un bourg dans la seigneurie. Ce n’est qu’en 1830 loin de l’église et du presbytère, à la
croisée des chemins du plateau sud donc, qu’une école et des maisons d’artisans, commerçants et professionnels
sont construites. C’est là au Quatre Chemins que le hameau prend forme.
Le Faubourg (village) de Saint-Vallier
Église
de Saint-Vallier
En
1900-1901 on commence la construction de l’église actuelle à
l’intersection nord-ouest du Quatre-Chemins sur un terrain appartenant déjà à
la fabrique transformant le hameau en faubourg.
En
juin1902 on est secoué par une grande catastrophe. Un énorme glissement
de terrain engloutit le moulin Bilodeau et avec lui deux personnes, en bordure
de la rivière Blanche qui se jette dans la rivière des Mères.
En
1904 on détruit la vieille église de 1716. Quant au presbytère qui avait
été construit près de la vieille église du premier plateau en 1849 on le
déménagera derrière la nouvelle église à son site actuel.
Ainsi
donc et de façon inhabituelle, ce qui devait être le cœur institutionnel du
bourg (église et presbytère) allait rejoindre les maisons du hameau au Quatre-Chemins
et constituer progressivement le village actuel de Saint-Vallier que certains
appellent encore faubourg, c’est-à-dire une agglomération constituée en-dehors
de l’enceinte prévu pour le bourg, une sorte de banlieue, comme le faubourg
Saint-Roch ou le faubourg Saint-Jean-Baptiste situés hors les murs du Vieux
Québec à la différence qu’à Saint-Vallier on n’attend pas que le bourg se
constitue avant de créer son faubourg et son village. On renonce simplement à
développer le premier site du Bourg.
En
1906 on construit un quai pour faciliter les liens commerciaux sur le
Saint-Laurent entre villes et villages. Un accès public au fleuve est alors
créé. Il porte le nom de « chemin du quai » et mesure plus de 22
pieds de large.
En 1960 on entreprend au Québec, en Bellechasse comme partout ailleurs, une révolution tranquille, pacifique et démocratique qui consacrera la séparation de l’Église et de l’État, aidés en cela par des catholiques progressistes. Un vaste mouvement de sécularisation s’en suivra et des valeurs nord-américaines tant décriées par la morale catholique à l’époque des interdits multiples associés à la Grande Noirceur, comme la sexualité, la réussite matérielle, la spiritualité sans Dieu, l’égalité des droits, le divertissement et l’impérieux besoin d’augmenter sans cesse la qualité de sa vie avant la mort en éliminant la souffrance, seront socialement acceptées.
Conclusion
Qu’il
me suffise en guise de conclusion de remercier nos ancêtres qui ont si bien su
développer le pays pour notre plus grande satisfaction à tous et à toutes. Le
peuplement de Bellechasse a commencé au fleuve, Lauzon, Beaumont, Saint-Michel,
Saint-Vallier, pour ensuite s’étendre dans les hauts jusqu’aux Appalaches entre
la rivière Etchemin et la
Rivière-du-Sud. C’est une région magnifique où il fait bon vivre et qui mérite
qu’on s’y intéresse pour la faire progresser sans
cesse.
Recherche et rédaction : Paul St-Arnaud, philosophe
de formation, artiste-photographe de profession et historien autodidacte de passion.
Membre administrateur de la Société Historique de Bellechasse, coauteur du
livre Bellechasse et d’une publication sur le patrimoine bâti de
Saint-Michel-de-Bellechasse en collaboration avec Clermont Bourget. Janvier
2008.
____________________
Annexe
A) 1693
L’acte de concession signé par l’intendant Bochard
Champigny le 1er mai 1693 et concernant l’augmentation de la
seigneurie La Durantaye se lit comme ceci : « deux lieues de terre
de profondeur à prendre au bout où se termine la profondeur de son fief de La
Durantaye, sur pareille largeur du dit fief, qui a environ trois lieues de
front, borné d’un côté au sud-ouest aux terres de Beaumont et au nord-est à
celles de Berthier; et, en outre, une autre terre d’une lieue de front avec
autant de profondeur au haut de la rivière Boyer à cause d’une pinière qui s’y
trouve, dont il désirerait se servir, ensemble concession de la dite rivière
Boyer dans les endroits où elle passe sur son fief et sur les terres ci-dessus
… » Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale p.
409.
Commentaire : 1)
Dans les textes du 17 et 18ième siècles les termes haut
et bas appliqués à un cours d’eau réfèrent toujours à l’amont et à
l’aval de celui-ci. C’est dans ce sens précis du terme qu’on parlait par
exemple des gens d’en haut et des gens d’en bas pour désigner les paroissiens
de Saint-Michel-de-La Durantaye qui vivaient en amont ou en aval du fleuve de
part et d’autre de l’embouchure de la rivière Boyer. Les gens d’en haut se
situaient à l’ouest et donc en amont et les gens d’en bas se situaient à l’est
c'est-à-dire en aval. C’est aussi dans ce sens précis qu’on parlera du Bas
Saint-Laurent ou encore des Pays d’en Haut pour désigner la région des Grands
Lacs. Cet usage des termes à l’époque nous interdit donc d’interpréter
« …au haut de la rivière Boyer » dans le sens « …d’en arrière la
rivière Boyer » comme si les terres concédées ne concernaient en rien la
Rivière Boyer.
2) L’agrandissement dont il s’agit
ici « …une lieue de front par
autant de profondeur » est nommé ainsi :
« …ensemble concession de la dite rivière Boyer… » pour bien
signifier que l’augmentation accordée concerne les terres situées de part et
d’autres de la rivière Boyer au sud de Beaumont et non ailleurs.
B) 1696
Trois ans plus tard, Bochard Champigny et le
Gouverneur Frontenac augmentent encore la seigneurie le 7 mai 1696 :
« une lieue de terre de front sur deux de profondeur vis-à-vis celle à
lui déjà accordée au haut de la rivière Boyer, avec une autre lieue de front
attenant la dite de chaque côté de la dite rivière sur deux lieues de
profondeur en lieux non concédés, tenant du côté sud-ouest aux terres de la
côte de Lauzon et de celui du nord-est à celles de la seigneurie de
Beaumont… » Pièces et documents relatifs à la tenure seigneuriale
p.424.
Commentaire : Encore ici
il est impossible que les mots suivants: une autre lieue de front attenant
la dite…, servent à désigner d’autres terres que celles réparties de
chaque côté de la rivière Boyer jusqu’à la côte de Lauzon (seigneurie Lamartinière)
d’autant plus que l’acte de concession prend la peine de mentionner, pour
éviter toute ambiguïté, que ces terres sont bornées au nord-est par la
seigneurie de Beaumont qui n’a à l’époque qu’une lieue et demie de
profondeur à partir du fleuve. Les bornes sont ainsi désignées : …tenant
du côté sud-ouest aux terres de la côte de Lauzon et de celui du nord-est à
celles de la seigneurie de Beaumont… »
C) 1744
Voici ce qu’écrit Pierre Georges Roy par rapport à la
seigneurie de Livaudière : « les commencements de la seigneurie de la
Livaudière furent assez mouvementés. Le 10 octobre 1736, MM. De Beauharnois et
Hockart, gouverneur et intendant de la Nouvelle-France avaient accordé au sieur
Lafontaine de Belcourt, conseiller au Conseil Supérieur, une seigneurie de
trois quarts de lieue de front sur trois lieues de profondeur, en arrière de la
seigneurie de Vincennes. M. Péan de la Livaudière s’aperçu bientôt que la
seigneurie accordée à M. Lafontaine de Belcour se trouvait presqu’entièrement
dans la partie de la seigneurie qui avait été adjugé à sa femme par la Prévôté
de Québec quelques semaines auparavant, soit le 14 août 1736. Bien en cour, il
se plaignit énergiquement à MM. De Beauharnois et Hocquart. Ceux-ci ne prirent
pas de temps à constater que leur bonne foi avait été trompée, mais ils ne
pouvaient revenir sur leur erreur puisque leur acte de concession avait été
ratifié par le Roi lui-même le 30 avril 1737.
Il n’y avait plus pour M. Péan de la Livaudière qu’à
avoir recours aux tribunaux. Le procès fut long et coûteux puisqu’il alla
jusqu’au Conseil d’État de Sa Majesté. Toute fois, M. Péan de Livaudière gagna
son point et M. Lafontaine de Belcour fut dépossédé de sa seigneurie.
C’est pour éviter des contestations futures que M.
Péan de la Livaudière se fit accorder une nouvelle concession de la Seigneurie
de la Livaudière, le 20 septembre 1744.
L’acte de concession obtenu par M. Péan de la
Livaudière donnait à sa seigneurie une étendue de trois quarts de lieue de
front ou environ sur trois lieues de profondeur et la bornait par devant à la
seigneurie de Vincennes au nord-est à la seigneurie de Beaumont, au sud ouest à
la seigneurie de Vitré ou Montapeine, et en arrière aux terres non concédées
(Saint-Gervais). Encore d’après l’acte de concession, la seigneurie de la
Livaudière ne devait faire qu’une même et seule seigneurie avec la moitié de la
seigneurie de la Durantaye qui avait été adjugée à Madame Péan de la Livaudière
le 14 août 1736.
D) 1752
Acte
d’augmentation de la seigneurie de Saint-Michel
Septembre
20, 1752. ----- A M. Péan, d’un terrain en deux parties derrière Beaumont, St.
Michel et Livaudière.
Le
Mrs. Duquesne, &e.
Vû
la requeste à nous présentée par Michel Jean Hugues Péan, ecuyer, capitaine
d’infanterie et ayde major des villes et gouvernement de Québec, contenant
qu’il possède la seigneurie de St. Michel, située sur le fleuve St.Laurent,
d’une lieue et demye de front sur quatre de profondeur, et une autre seigneurie
appelée Livaudière, de trois quarts de lieue de front sur trois lieues de
profondeur, à prendre au bout du fief
de Vincennes qui a une lieue de profondeur;
que l’intention de Sa Majesté est que ces deux seigneuries n’en fassent
qu’une, suivant qu’il appert par le brevet de concession des de. trois quarts
de lieue de front cy-dessus, mais qu’elles se trouvent séparées par la seigneurie
de Beaumont, qui est de deux lieues de front sur trois de profondeur seulement,
ensorte qu’il reste un terrain non concédé derrière cette dernière seigneurie,
du même front d’icelle, sur une lieue de profondeur pour joindre le trait
quarré des profondeurs des ds. seigneuries de St_Michel et de Livaudière, et
par le moyen duquel terrein le suppliant fairoit une communicatio à ses d.deux
seigneuries, et comme il est dans le dessein d’établir cette partie de terrain
et les profondeurs de ses de.seigneuries; il nous suplie de luy acorder et
concéder le susdit terrain de deux lieues de front sur une lieue de profondeur,
à prendre derrière la dte. seigneurie de Beaumont et qui se trouve enclavée
entre les lignes de St.Michel et de Livaudière, et en outre quatre lieues un
quart de front ou environ sur trois liees de profondeur des ds. seigneuries de
St. Michel et de Livaudière et du terrain cy-dessus demandé, ensorte que le
supliant possedera la dte. seigneurie de St. Michel sur sept lieues de
profondeur, ensuite deux lieues de front, à prendre au bout de la seigneurie de
Beaumont sur quatre lieues de profondeur à la dte seigneurie de Livaudière, de
trois quarts de lieue de front sur six lieues de profondeur, pour lesquelles
seigneuries déjà possédées et le terrain cy-dessus demandé, ne faire qu’une
seule et même seigneurie, avec droit de pesche, chasse et traite avec les
sauvages dans toute l’etendue du dt. terrain et aux droits de redevance
accoutumés ; Nous, en vertu du pouvoir à nous donné conjointement par SA a
Majesté, et sous son bon plaisir, avons par ces présentes donné, accordé, et
concédé, donnons, accordons et concédons au dit S. Péan le terrain non concédé
derrière la seigneurie de Beaumont, et qui se trouve enclavé entre les lignes
des seigneuries de St.Michel, au N.E., et de Livaudière au S.O., ce qui compose
deux lieues de front sur une lieue seulement de profondeur, laquelle lieue de
proffondeur joint la ligne du trait quarré des profondeurs des dt. seigneuries
de. St. Michel et de Livaudière, et en outre quatre lieues un quart de front ou
environ sur trois lieues de proffondeur, à prendre au bout des profondeurs de
St.Michel, des deux lieues cy-dessus concédées et de la seigneurie de
Livaudière ; laquelle etendue de terrain de quatre lieues un quart de front ou
environ, sera borné pardevant au trait quarré des lignes de proffondeur de St.
Michel des deux lieues cy-dessus concédées et de Livaudière, par derrière par
une ligne droite et paralelle, joignant aux terres non concédées, au N.E. par
la continuation de la ligne de separation des seigneuries de St. Vallier et de
St. Michel, et au S.O. également par la continuation de la ligne de séparation
de la dt. Seigneurie de Livaudière à celle nouvellement concédé à Mde. La
Martiniere ; lesquels terrains de deux lieues de front sur une lieue de
profondeur et quatre lieues un quart de front sur trois lieues de profondeur
cy-dessus désignées, ne feront avec les seigneuries de St.Michel et de
Livaudière appartenant dejà au suppliant qu’une seule et même seigneurie, pour
par luy en jouir, ses hoirs et ayant cause, à perpétuité et à toujours, à titre
de fief et seigneurie, haute, moyenne et basse justice, avec droit de pesche,
chasse et traite avec les sauvages dans toute l’étendue de la dt. Concession ;
à la charge de porter foy et hommage au château St.Louis de Québec, duquel il
relevera aux droits et redevances accoutumées, suivant la Coutume de Paris
suivie en ce pays ; de conserver et faire conserver par ses tenanciers les bois
de chesne propres pour la construction des vaisseaux du roy ; de donner avis à
Sa Majesté des mines, minières et minéraux si aucuns se trouvent dans l’etendue
de la dt. Concession ; que les appellations du juge qui y sera étably
ressortiront en la prévosté de Québec ; d’y tenir feu et lieu et l’y faire
tenir par ses tenanciers, et faire déserter la dt. terre ; à faute de quoy la
présente concession sera et demeurera nulle et comme non avenue ; laisser les
chemins du roy et autres jugés nécessaires pur l’utilité publique, et de faire
insérer pareilles conditions dans les concessions qu’il faira à ses tenanciers,
aux cens, rentes et redevances accoutumées par arpent de terre de front sur
quarante de profondeur ; laisser les greves libres à tous pescheurs, à
l’exception de celles dont il aura besoin pour sa peche, et en cas que Sa
Majesté ait besoin par la suite d’aucune partie du dit terrein pour y faire
construire des forts, batteries, place d armes, magasins et ouvrages publiques,
Sa Majesté pourra les prendre aussi bien que les arbres nécessaires pour les
dt. ouvrages, et le bois de chauffage pour la garnison des forts, sans estre
tenue à aucun dédommagement ; réservons pareillement au non de Sa Majesté la
liberté de prendre sur la ditte concession les bois de chesne, mature et
générallement tous les bois qui seront propres pour la construction et armement
de ses vaisseaux, sans etre egalement tenue à aucune indemnité ; le tout sous
le bon plaisir de Sa Majesté, de laquelle il sera tenu de prendre confirmation
des présentes dans l an.
En
témoin de quoy, &c.
Fait
à Québec le 20 7bre. 1752.
Commentaires :
Pour obtenir cet agrandissement de
la seigneurie de Saint-Michel, Jean Hugues Péan a trompé les autorités de
Québec car ses intentions non avouées étaient purement spéculatives à l’encontre
de l’esprit qui régissait la concession des seigneuries qui avaient comme seul
objectif de coloniser le territoire par l’agriculture et l’élevage. Or la
seigneurie de Saint-Michel était déjà très grande et un seul seigneur avait
déjà peine à suffire à la tâche de mise
en valeur. Pour justifier l’injustifiable Péan a donc menti dans les motifs qui
l’ont amené à vouloir les terres convoitées au sud de Saint-Gervais. Il a
prétendu que Livaudière et Saint-Michel formaient deux seigneuries séparées
sans possibilité de passer de l’une à l’autre et qu’alors il lui fallait le
secteur de Saint-Gervais pour former une seule seigneurie. Or il possédait déjà
ce secteur qu’Olivier Morel avait obtenu en 1696. Même après l’agrandissement
de Beaumont en 1713 il restait à la seigneurie Saint-Michel une profondeur de
7,2 kilomètres plus au sud. Il n’avait donc pas à se faire concéder à nouveau
le secteur de Saint-Gervais et encore moins les territoires de ce qui allait
devenir Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien Nord. Déjà dans l’acte de concession de 1744 il
était spécifié que le territoire de Livaudière et celui de Saint-Michel
formaient une seule et même seigneurie.
Cet acte de concession de 1752, embrouillé à ne plus rien comprendre a
semé beaucoup de confusion par la suite. Quand Joseph Bouchette a fait sa carte
du Bas Canada il s’est fié à cet acte de concession de 1752 sans regarder les
actes de concessions antérieures de 1693, 1696 et 1744. Il aurait compris
qu’une seule seigneurie existait alors concédée en 1672, agrandie des
territoires de Saint-Raphaël, Saint-Gervais et Saint-Charles en 1696 sous le
nom de La Durantaye, amputée du territoire de Saint-Vallier en 1720 prenant
alors le nom de Saint-Michel, amputée à nouveau du territoire sud de Beaumont
en 1713, augmentée d’une lieue dans le secteur ouest appelé Livaudière et
augmentée enfin du territoire de Saint-Nérée, Saint-Lazare et Saint-Damien nord
en 1752. Ajoutons que l’agrandissement « illégal » de Beaumont à même
le territoire de la seigneurie de Saint-Michel ainsi que les prétentions
territoriales de Lafontaine de Belcourt qui force Le seigneur Péan père à
agrandir et rebaptiser Livaudière une partie de la seigneurie de
Saint-Michel pour éviter toutes
contestations futures, n’ont pas aidé à clarifier la situation.
Dans le cas du petit fief vitré, la
méprise a été telle que l’agrandissement accordé à madame Boisseau qui faisait
passer la grandeur de son terrain d’une demi-lieue à six lieues à même le
territoire de la seigneurie de Lamartinière, a paru sur une carte officielle du
ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles datée de 1983.
2)
Saint-Vallier
En ce qui concerne La seigneurie de Saint-Vallier on
la décrit comme suit : « située au sud du fleuve Saint-Laurent,
contenant une lieue et 27 arpents de front environ sur trois lieues de
profondeur, tenant du côté du nord est au fief de Bellechasse appartenant au
sieur de Rigauville et du côté du sud-ouest à l’autre moitié du dit fief de la
Durantaye appartenant aux enfants et héritiers du dit feu sieur de La Durantaye
à titre de fief et seigneuries. » Archives publiques du Canada.
Actes de foy et hommage, vol deux, p.336.
Commentaire : La
Nouvelle Seigneurie de Saint-Vallier créée en 1720 à même le territoire de la
seigneurie La Durantaye a donc une profondeur de trois lieues. Puisque la
seigneurie de La Durantaye avait 5 lieues de profond à cet endroit depuis
l’agrandissement de 1693, il reste donc
deux lieues de profond par une lieue et 27 arpents de front, derrière
Saint-Vallier au sud, qui appartient à la seigneurie La Durantaye. Ceci nous
indique que le territoire appartenant maintenant à la municipalité de
Saint-Raphaël était tout entier contenu dans la seigneurie de La Durantaye au
moment où Olivier Morel décède en 1716.
En 1720 la partie nord est du
territoire de la municipalité actuelle de Saint-Raphaël passe dans la
seigneurie de Saint-Vallier. Lorsque la paroisse Saint-Raphaël sera créée elle
chevauchera donc le territoire de deux seigneuries : Saint-Michel et
Saint-Vallier. Elle sera créée à même
le territoire de trois paroisses : Saint-Michel, Saint-Philippe
et Saint-Jacques, Saint Gervais
et Protais. La paroisse de La
Durantaye n’est pas encore créée. Elle le sera en 1910 empruntant au territoire
des municipalités de Saint-Michel, Saint-Raphaël.
3) Voici 9 cartes illustrant l’évolution des
seigneuries de 1672 à 1854.
Ces cartes dessinées par l’auteur Paul St-Arnaud
s’inspirent d’une carte déjà existante tiré du Manuel des seigneuries de
1923 et illustrée ici sous le nom de carte 0. Pour bien les comprendre il faut
savoir que :
Les noms en italique désignent les paroisses.
Les noms et dates en gras désignent les seigneuries
et les rivières.
Il faut également garder bien en tête que les
seigneuries de La Durantaye,
Saint-Michel, Livaudière ou Saint-Gervais, n’ont jamais constitué des
seigneuries séparées comme le suggèrent malheureusement certains écrits et certaines
cartes officielles. Au plus, elles ont été des secteurs d’une seule et même
seigneurie appelée Saint-Michel, qui au fil des ans, des rapetissements et des
agrandissements a été nommée de différentes façons : La Durantaye au
départ en 1672, puis Saint-Michel à partir de 1720, Livaudière dans sa partie
ouest en 1744, augmentation Livaudière et augmentation Saint-Michel en 1752.
L’agrandissement de la seigneurie Saint-Michel en 1752
sera la dernière. Elle annexera alors le territoire actuel des municipalités
Saint-Nérée, Saint-Lazare en grande partie et Saint-Damien dans sa partie nord.
La rue Principale au village sert de frontière entre la seigneurie et le
canton.
Carte 0, tirée du Manuel des seigneuries
Carte
1
Carte
2
Carte
3
Carte
4
Carte
5
Carte
6
Carte
7
Carte
8
Carte
9
Voici quelques informations utiles
pour comprendre les références au système seigneurial :
Les seigneuries étaient mesurées en lieues et
arpents :
Une lieue = 84 arpents = 4,8 (4,828) kilomètres.
Une terre ou censive comprend habituellement 3 ou 4 arpents de
front le long d’un cours d’eau (fleuve ou rivière) par 30 ou 40 arpents de
profondeur perpendiculaires au cours d’eau.
Un Arpent= 192 pieds.
Le cens et la rente annuelle que les
censitaires (cultivateurs féodalisés) doivent verser au seigneur une fois
l’an et qui représentaient au total, avec les autres redevances, de 10 à 12% du
revenu moyen d’un cultivateur se détaillent comme ceci :
Le cens = 1 sol par arpent de front. C’est peu mais le cens
avait une valeur symbolique. On disait des cultivateurs qu’ils étaient censitaires
pour indiquer qu’ils étaient féodalisés c’est-à-dire obligés à rendre des
comptes à un seigneur qui lui-même devait rendre des comptes au Gouverneur,
représentant du Roi en Nouvelle-France. Le cens symbolisait cette servitude ou
dépendance à l’égard des seigneurs.
La rente = 20 sols (une livre) par arpent de front, ou
l’équivalent en nature, blé, chapon etc. (un chapon=1 livre.)
La livre = 20 sols
Le sol = 12 deniers
Une livre = environ 6 dollars canadiens.
Le moulin banal. On dit du moulin qu’il est banal (du mot ban
qui veut dire droit de dominer) pour signifier que seul le seigneur a le droit
de gérance sur le moulin. Comme le dit l’historien Marcel Trudel :
« nul moulin sans seigneur ». Les seigneurs se sont vus accorder le monopole
sur les moulins car c’était là leur principal revenu qu’ils pouvaient tirer de
la seigneurie. Le seigneur avait l’obligation de construire ce moulin à ses
frais, de voir à son entretien, et d’engager un meunier. Encore fallait-il que le moulin soit payant pour lui et il le
devenait au fur et à mesure que les colons s’installaient dans la seigneurie
pour cultiver la terre. Chaque cultivateur devait en effet donner au seigneur
le quatorzième minot de sa production.
La division seigneuriale du territoire. À l’intérieur des seigneuries et divisées en
rectangles perpendiculaires au fleuve ou autres rivières, ces terres ou censives
étaient étroites pour que le plus de cultivateurs possible puissent profiter
des ressources du fleuve ou de la rivière. Non seulement le fleuve était-il la
seule voie de communication mais on y pêchait le saumon, le doré, l’esturgeon,
le bar rayé, l’anguille et bien d’autres. On y chassait également l’oie des neiges, l’outarde et le canard, On
y prélevait aussi le foin de mer en complément de fourrage pour nourrir les
bêtes l’hiver.
Autre avantage de cette division étroite des
terres : plus près les uns des autres on pouvait facilement se voisiner et
s’entraider au besoin. Encore aujourd’hui on peut observer ce découpage
seigneurial du territoire qui vu des airs ressemble à un clavier de piano alors
que la division des terres par cantons ressemble davantage à un damier.
_______________________________________________________
Bibliographie
COMITÉ ORGANISATEUR DES FÊTES DU 250ième
DE SAINT-CHARLES-DE- BELLECHASSE INC. Auteur et éditeur de la
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l’histoire de Beaumont. Éditeur Lévis, Québec, 1943. Ce livre peut
être consulté à la Bibliothèque Luc-Lacoursière à Beaumont. On le trouve
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Saint-Laurent, peuple du maïs. Éditions
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TRUDEL, Marcel, La tentation américaine,
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TRUDEL, Marcel, Mythes et réalités dans
l’histoire du Québec, Tome 3. Éditions
Hurtubise HMH Limitée, Montréal, 2006.
Nota Bene : Les travaux de la sociologue
Carole Corriveau de Saint-Vallier sur le terrier de la seigneurie de La
Durantaye de ses débuts à la mort de son seigneur en 1716 m’ont été très
précieux pour clarifier certains aspects litigieux.